Alaska : les ours polaires plus exposés à une maladie « du Sud »

Des ours polaires sur la côte de la mer de Beaufort, en Alaska (U.S. Fish and Wildlife Service/Reuters)
Des chercheurs américains ont trouvé que la prévalence d’anticorps reliés à la tularémie, une maladie infectieuse fréquente chez les animaux sauvages au sud, est en hausse chez les ours polaires du nord de l’Alaska. Cela pourrait être un effet des changements climatiques en cours.

Avec le réchauffement de la planète et la modification des écosystèmes, les scientifiques observent que les animaux de l’Arctique sont de plus en plus exposés à des pathogènes qui peuvent venir du Sud.

Matthew M. Smith et son équipe du U.S. Geological Survey ont échantillonné plusieurs espèces de mammifères et d’oiseaux de 2014 à 2017 dans la région nord de l’Alaska appelée la « plaine côtière arctique », le long de la mer de Beaufort. Ils ont mesuré la prévalence dans le sang d’anticorps que les espèces développent lorsqu’elles sont exposées à la bactérie Francisella tularensis, qui peut provoquer une maladie appelée la tularémie. 

Les animaux exposés ne tombent pas nécessairement malades, mais certains développent la maladie et peuvent en mourir.

Si elle atteint un être humain, la tularémie peut causer des symptômes comme l’ulcère cutané, de la fièvre, des problèmes intestinaux et une bactériémie, c’est-à-dire la présence de la bactérie dans le système sanguin, pour laquelle des antibiotiques existent.

La transmission de cette bactérie est commune dans les écosystèmes du Sud, notamment par l’entremise de tiques infectées. On la retrouve souvent chez les lapins et les lièvres. En Alaska, d’ailleurs, les lièvres sont considérés comme le réservoir de la tularémie. Les épidémies sont concentrées à Fairbanks et ailleurs à l’intérieur des terres.

Depuis les dernières années, on la remarque plus dans les régions nordiques. 

« L’infection par la tularémie chez les animaux sauvages peut aller de presque bénigne à mortelle selon le type d’exposition et l’espèce hôte », indique par courriel Matthew Smith, premier auteur de l’étude parue dans le Journal of Wildlife Diseases.

Dans leur échantillon, 13,3 % des ours polaires avaient des anticorps pour cette bactérie. « Les résultats pour les ours polaires sont remarquables, puisque nous avons trouvé un nombre d’anticorps plus élevé qu’une étude précédente […] chez des ours polaires échantillonnés dans la même région. » Cette autre étude établissait la séroprévalence à 4,8 %.  

Selon les chercheurs, les ours polaires passent beaucoup plus de temps qu’avant sur la terre ferme, puisque la banquise a rétréci au fil des années en raison du réchauffement climatique, comme le montrent d’autres travaux. Ils seraient alors plus exposés aux parasites et bactéries transmises par d’autres animaux, car les contacts entre espèces seraient ainsi plus fréquents.

Poursuivre les recherches

L’équipe de M. Smith a aussi trouvé une très grande prévalence d’anticorps chez les renards arctiques (21,2 %) et les spermophiles arctiques (33,3%), une espèce de rongeurs. 

Un spermophile arctique, aussi appelé écureuil terrestre arctique. (Wirestock/iStock)

On sait notamment que l’ours polaire, en passant plus de temps sur terre, est davantage exposé à divers plans d’eau ainsi qu’à des rongeurs, chez lesquels on peut retrouver la bactérie.

« La hausse apparente de la prévalence des anticorps de la tularémie chez les ours polaires de notre étude et chez ceux échantillonnés précédemment dans la même région fournit des preuves d’une augmentation de l’exposition en raison d’un plus long passage sur terre, mais des travaux supplémentaires sont nécessaires pour confirmer cela », note le chercheur. Il souligne que l’étude actuelle ne permet pas d’établir de lien direct entre le réchauffement climatique et la transmission accrue de la bactérie.

M. Smith et ses collègues remarquent toutefois dans leur article scientifique qu’une prévalence très élevée de 68,4 % a déjà été observée par d’autres chercheurs chez les ours polaires de la baie d’Hudson, une région où ces animaux passent encore plus de temps sur le continent par rapport aux ours polaires de l’Alaska.

L’équipe a aussi découvert pour la première fois des anticorps reliés à la bactérie chez plusieurs espèces d’oies de l’Arctique, une trouvaille digne de mention pour ces scientifiques. « Lors de la nidification, les oies de cette région passent beaucoup de temps près de nombreux mammifères terrestres, des espèces connues pour abriter la bactérie F. tularensis, et donc l’exposition par contact direct ou par des aliments ou de l’eau contaminés est plausible », écrivent-ils.

« La détection d’anticorps de F. tularensis dans plusieurs taxons de la plaine côtière arctique et de sa région marine côtière fournit des preuves d’exposition à cet agent pathogène dans toute la région et souligne la nécessité d’une surveillance renouvelée en Alaska », concluent les chercheurs dans leur étude.

Avec les informations de Laureen Laboret

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