Dans le Grand Nord canadien, frustration chez les infirmières quant aux conditions de travail

Ces inégalités contribuent à l’exode des infirmières de l’ouest du Nunavik, selon leur syndicat. (Lucy Nicholson/Archives/Reuters)
Deux semaines après avoir organisé un « sit-in » pour dénoncer leurs conditions de travail, les infirmières et infirmiers qui travaillent dans les communautés de la baie d’Hudson dénoncent des disparités qui existent avec leurs collègues de l’est du Nunavik.

Le réseau de la santé du Nunavik est divisé en deux régions distinctes, avec chacune une administration différente.

Les sept villages de la baie d’Hudson sont gérés par le Centre de santé et de services sociaux Inuulitsivik (CSI), tandis que les sept autres de la baie d’Ungava sont chapeautés par le Centre de santé Tulattavik de l’Ungava (CSTU).

Le CSI couvre les communautés de l’ouest du Nunavik, à partir d’un centre de santé régional à Puvirnituq. (Myriam Fimbry/Archives/Radio-Canada)

Alors que les dispensaires de la baie d’Hudson, à l’ouest, doivent fonctionner avec un problème chronique de manque de personnel, le portrait est tout autre du côté de la baie d’Ungava.

« Ça fait deux ans et demi que je suis là, plusieurs collègues sont aussi là depuis longtemps. On a une super belle stabilité comparée à l’autre côté, où l’on voit qu’il y a un gros taux de roulement », indique la représentante du Syndicat des infirmières et infirmiers de la baie d’Ungava, Vicky Castonguay.

Pour expliquer ce plus faible taux de roulement, elle souligne notamment la plus grande flexibilité dans les horaires de travail du côté de l’Ungava.

Vicky Castonguay est infirmière à Kuujjuaq depuis plus de deux ans. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Dans l’Ungava, les infirmières ont la possibilité de travailler durant quatre semaines dans une communauté, suivies de quatre semaines de vacances. Du côté de la baie d’Hudson, les infirmières doivent plutôt enchaîner neuf semaines de travail avant de prendre ce mois de congé.

« Moi, je travaille à Salluit. Et si je travaillais à Kangiqsujuaq, à 25 minutes de vol, j’aurais de meilleures conditions. C’est ça aussi que l’on ne comprend pas. Je l’ai mentionné à la direction. Il faut que cette disparité cesse », dit le président du Syndicat nordique des infirmières de la baie d’Hudson, Cyril Gabreau.

Il est aussi possible pour les infirmières de la baie d’Ungava de travailler à la fois dans les communautés plus éloignées et dans le centre de santé principal à Kuujjuaq.

Les dispensaires dans les communautés éloignées fournissent des soins de base et reçoivent le soutien des centres de santé régionaux plus gros, à Puvirnituq et à Kuujjuaq. (Cyril Gabreau)

Les infirmières doivent toutefois recevoir une formation en rôle élargi, au privé, afin d’offrir les soins dans ces communautés reculées.

Cette possibilité serait très appréciée chez les travailleurs de la baie d’Ungava.

« Plusieurs vont faire des tours dans les villages étant donné qu’ils ont leur formation de rôle élargi. Je pense que ça aide beaucoup à la rétention de personnel de notre côté. On peut se promener partout », ajoute Vicky Castonguay.

Travailler comme infirmière dans des communautés éloignées nécessite une plus grande autonomie dans la prestation de soins. (Catou Mackinnon/Archives/CBC)

Du côté de la baie d’Hudson, la formation en rôle élargi serait beaucoup moins accessible.

Selon le syndicat, il s’agit d’une source d’irritation chez certains employés, qui souhaiteraient eux aussi travailler dans les communautés plus éloignées.

Migration vers l’Ungava

Face à ces disparités dans les conditions de travail, plusieurs infirmières quittent le réseau de la baie d’Hudson pour se rendre du côté de la baie d’Ungava, en quête d’une meilleure qualité de vie.

C’est le cas de Fannie Goudreau, qui après quelques expériences de travail du côté de Puvirnituq, a choisi de plutôt travailler comme infirmière à Kuujjuaq.

« C’est plus facile de sentir que je fais ma job correctement ici. C’est moins épuisant physiquement et mentalement […] Ça démotive même les plus fortes de rester quand nos besoins de base sont difficilement comblés », affirme l’infirmière.

Le manque de personnel chronique a un impact sur la vie des travailleurs, mais aussi sur les soins apportés aux résidents selon elle.

« La communauté en souffre beaucoup. Il y a un roulement de personnel particulièrement élevé, donc les liens se créent difficilement avec les membres de la communauté. La confiance, ça se bâti avec le temps », ajoute Fannie Goudreau.

La communauté de Kuujjuaq est la plus grande du Nunavik, avec plus de 2600 résidents. (Félix Lebel/Archives/Radio-Canada)

Le cas de Fannie Goudreau n’est pas le seul. Cela pourrait s’amplifier selon le syndicat, qui craint des démissions massives prochainement si rien n’est fait.

« J’ai eu deux démissions la semaine dernière. Encore hier, deux sont venues me voir pour me demander si les choses allaient changer, et si non, elles allaient démissionner aussi […] Les gens ne sont plus capables de pallier l’inaction », déclare Cyril Gabreau.

Des discussions sont par ailleurs prévues dans les prochains jours entre la partie syndicale et la direction du Centre de santé et de services sociaux Inuulitsivik.

Le syndicat espère que des actions seront entreprises pour réduire la disparité des conditions de travail entre les deux côtes, pour améliorer la rétention du personnel de soins dans la région.

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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