Devenir propriétaire dans le Grand Nord canadien, un défi en raison de l’inflation

Dans toute la région du Nunavik, pour une population d’à peine 13 000 personnes, il manque plus de 800 logements pour répondre à la demande. (Matisse Harvey/Archives/Radio-Canada)
L’Office municipal d’habitation Kativik (OMHK) tente de favoriser l’accession à la propriété pour réduire le surpeuplement des logements sociaux au Nunavik, où près de 98 % des résidents habitent. Mais l’inflation freine l’élan de ces futurs propriétaires.

Parmi plusieurs initiatives, l’OMHK a mis en place un programme de subvention pour la construction de maisons neuves. L’aide financière peut aller jusqu’à 75 % du coût de construction, avec un maximum de près de 500 000 $.

« Pour une construction totale de 700 000 $ par exemple, le [futur] propriétaire doit contracter une hypothèque de 200 000 $. Et là, ça devient raisonnable pour lui », explique la responsable du programme d’aide, Roxanne Villeneuve.

Roxanne Villeneuve accompagne aussi les nouveaux propriétaires face à leurs nouvelles responsabilités et l’entretien d’une maison. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Sans cette aide, il serait difficile pour les Inuit du Nunavik de devenir propriétaire, étant donné les coûts de construction exorbitants dans la région, qui peuvent être jusqu’à trois fois supérieurs à ceux du sud du Québec, selon l’OMHK.

« Je n’aurais jamais été capable de me payer cette maison sans aide », dit la retraitée Minnie Grey, qui a pu profiter de ce programme en 2020. « Quand j’ai pris ma retraite, j’ai perdu le logement qui était fourni par mon employeur. J’ai donc dû trouver une solution. Mais le marché immobilier du Nunavik n’existe pas. »

Minnie Grey a fait construire une maison de deux chambres, suffisamment grande pour elle et son mari, tous deux retraités. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Pour Minnie Grey, le bonheur de se sentir chez soi n’a pas d’égal, ajoute-t-elle dans sa cuisine où elle peut recevoir ses amis. Elle considère par ailleurs être chanceuse, car depuis la pandémie de COVID-19, le prix de construction a explosé dans la région.

« Une maison unifamiliale de trois chambres, disons qu’elle nous coûtait 700 000 $ en 2018, en 2020, ça a monté à 1 000 000 $. En 2021, c’est passé à 1,2 et là on est à 1,4 million. Ça a carrément doublé, presque du jour au lendemain », indique Roxanne Villeneuve de l’OMHK.

Face à l’augmentation de ces prix, au moins cinq futurs propriétaires ont dû mettre leur projet sur pause, car l’organisme ne peut pas augmenter les montants des subventions.

Minnie Grey a pu emménager dans sa maison en 2020, tout juste avant l’explosion des prix des matériaux de construction. (Félix Lebel/Radio-Canada)

« Pour un propriétaire qui avait planifié une maison à 700 000 $, il n’a pas réussi à mettre des centaines de milliers de dollars de côté en un an ou deux. C’est impossible », ajoute Roxanne Villeneuve.

Un entrepreneur en construction de Kuujjuaq, Patrick York, a lui aussi été frappé par la montée des prix des matériaux, qui sont exacerbés par le défi logistique de les faire acheminer au Nunavik. « Si on n’arrive pas à respecter les délais pour le transport par navire, on doit faire venir des matériaux par avion. Ça a augmenté de plus de 30 % depuis l’année dernière », mentionne l’entrepreneur.

Malgré la flambée des prix, l’entrepreneur en construction Patrick York ne cesse de travailler, en raison du manque de logements dans la région. (Félix Lebel/Radio-Canada)

« Par exemple, je viens d’avoir un problème de colle à plancher sur un projet, et ça va coûter plus de 22 000 $ simplement pour le transport d’un nouveau plancher. J’ai peine à y croire », dit-il.

L’OMHK doit sous peu renégocier de nouveaux budgets avec Québec pour une seconde phase du programme d’aide à la construction de maisons. L’organisme espère que les subventions seront ajustées à l’inflation pour permettre à plus de Nunavimmiut d’avoir accès à la propriété, ce qui serait une solution rentable pour l’État selon l’OMHK.

La grande majorité des maisons du Nunavik sont des logements sociaux gérés et entretenus par l’OMHK. (Félix Lebel/Archives/Radio-Canada)

« Lorsqu’un client devient propriétaire, c’est lui qui entretient sa maison, et non pas le gouvernement dans le cas d’un logement social. À long terme, ces coûts-là sont tellement minimes par rapport à la rénovation d’une maison sociale après 20 ans. C’est incomparable », soutient Roxanne Villeneuve.

Le programme d’aide permet aussi, rappelle l’organisme, de libérer des logements sociaux, et d’y réduire le surpeuplement. Le phénomène touche 47 % des foyers du Nunavik, et il est la cause de nombreux facteurs de risque liés à la santé et au bien-être des résidents.

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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