Les Inuit du Nunavik prêts à négocier un gouvernement autonome

Le Nunavik est constitué de 14 villages et compte plus de 13 000 résidents. (Photo d’archives/Radio-Canada/Félix Lebel)

La Société Makivvik, qui représente les Inuit du Nunavik, est prête à entamer des négociations avec Québec pour la création d’un gouvernement régional autonome et ainsi « prendre en main son destin ».

C’est la formule qu’utilise en entrevue Pita Aatami, le président de la Société Makivvik, pour qui ce projet va bien au-delà d’une ferme volonté politique.

La création d’un gouvernement autonome est ancrée pour lui dans un sentiment de justice et de réappropriation de son territoire ancestral.

« Dans le passé, nous avons aidé les gens du Sud à survivre lorsqu’ils sont venus dans la région, que ce soit des explorateurs, des pêcheurs, des missionnaires. Ils ont ensuite pris notre territoire. C’est n’est plus acceptable. Ils doivent commencer à redonner ce qu’ils ont pris aux Inuit », explique Pita Aatami. 

Pita Aatami est le président de Makivvik, une institution politique vouée à la défense des intérêts des Inuit du Nunavik. (Photo : Makivvik)

La Société Makivvik est toutefois claire : elle ne cherche pas à se séparer du Canada, mais à reprendre le contrôle de ses institutions et de son développement économique face au Québec.

La région compte déjà plusieurs institutions publiques propres aux Inuit, comme le prévoit la Convention de la baie James et du Nord québécois.

C’est le cas par exemple de la Commission scolaire Kativik, de la Régie régionale de santé et de services sociaux du Nunavik et de l’Administration régionale Kativik.

Même si elles jouissent d’une grande forme d’autonomie, ces institutions sont tout de même sous la responsabilité de Québec, ce que Makivvik souhaite changer. 

« On veut prendre part à toutes les décisions qui sont prises dans notre région et travailler avec les gouvernements au lieu de se faire dicter comment on va se conduire, quelles mines vont ouvrir, etc. On veut travailler avec les gouvernements sur le même pied d’égalité », ajoute Pita Aatami. 

Négociations

Deux négociateurs viennent officiellement d’être nommés pour représenter Makivvik lors des futures discussions avec les deux paliers de gouvernement.

Il s’agit de l’ancien maire de Kuujjuaq et candidat libéral au dernier scrutin provincial, Tunu Napartuk, et l’actuel maire de Kuujjuaraapik, Anthony Ittoshat. 

Tunu Napartuk est fier du rôle qu’on lui a confié à la suite d’un long processus d’entrevues. 

Il estime que les Inuit sont invisibles dans le paysage politique de la province. La mise en place d’un gouvernement autonome permettrait selon lui de renverser la vapeur.

« Il n’y a pas de connexion. Le représentant de notre région présentement n’est pas connecté avec les gens. Il ne vient pas visiter, il n’y a rien qui se passe. C’est une question qui nous touche énormément. On a besoin d’une ligne de communication avec le gouvernement », affirme Tunu Napartuk. 

Tunu Napartuk compte se consacrer complètement à ce nouveau rôle qu’on lui a confié.
(Radio-Canada/Félix Lebel)

Ce dernier estime qu’une autonomie gouvernementale permettra de garantir la protection de la culture particulière des Nunavimmiut et de leur langue, l’inuktitut. 

« Notre population grandie très vite, on regarde vers l’avenir […] On veut vraiment prendre en main nos décisions, pour nos enfants et nos petits-enfants », dit-il.

Même son de cloche du côté d’Anthony Ittoshat, qui espère que la population comprendra la volonté de plusieurs Nunavimmiut d’atteindre un plus grand niveau d’autonomie. 

« J’aimerais que les Québécois se demandent ce qu’ils feraient à notre place? Nous sommes Inuit, avec notre langue et culture distincte […] Nous ne sommes pas différents des Québécois qui veulent protéger leur langue et leur culture. Nous voulons simplement décider pour nous même », indique-t-il. 

Ce dernier compte par ailleurs s’investir complètement dans ce futur rôle, en démissionnant de son poste de maire de Kuujjuarapik lorsque les négociations commenceront. 

« C’est un dossier historique, quelque chose qui va avoir un impact sur notre futur pour toutes les générations qui viendront », conclut-il.

Il est impossible toutefois de savoir quand ces négociations commenceront. Makivvik dit attendre que Québec nomme lui aussi un négociateur pour entreprendre les discussions. 

Le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, n’a pas répondu à nos questions, mais assure que son ministère continue de travailler avec Makivvik, et qu’une table de travail politique est déjà formée.

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Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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