Dans le Grand Nord canadien, des Inuit s’allient avec les autorités pour prévenir la traite de personne
L’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), l’organisme national de représentation des Inuit, se dit prêt à travailler avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC) afin de protéger les Inuit des réseaux de traite de personne, notamment dans le sud du pays.
Le président de l’ITK, Natan Obed, croit qu’il est impératif de s’occuper des Inuit qui tombent sous le joug de groupes spécialisés dans la traite de personne lorsqu’ils se rendent dans le sud du pays pour étudier ou obtenir des soins de santé, par exemple.
Selon lui, le problème est encore plus criant dans des villes comme Montréal ou Ottawa, où des femmes inuit ont été victimes de tels réseaux.
« C’est un problème particulier aux Inuit qui suscite des inquiétudes dans la communauté », souligne-t-il. « Nous pourrons ainsi réunir tous les acteurs afin de pouvoir changer les choses. »
Il espère voir ce travail commencer dès mardi, à Ottawa, lors d’un forum sur la traite de personne auquel participeront la GRC et des organismes d’aide aux victimes. Le but du forum est de mieux comprendre le problème pour mieux y répondre.
Quand le système déracine les Inuit
Gerri Sharpe, la présidente de Pauktuutit Inuit Women of Canada, un organisme qui représente les femmes inuit du pays, croit que la solution à la traite de personne ne se trouve pas seulement dans les interventions policières.
Elle estime qu’il faut également miser sur le développement de services de base au sein même des communautés inuit, notamment en santé, afin d’éviter que les femmes aient à se rendre dans le sud du pays pour recevoir des services.
Selon elle, le système donne l’impression d’avoir été élaboré en vue d’envoyer les femmes dans le sud afin d’obtenir des soins, entre autres en lien avec la grossesse. « Lorsqu’une femme inuit s’en va dans le sud, elle est à risque d’être victime des réseaux de traite de personne », affirme-t-elle.
Les femmes qui donnent naissance doivent souvent se rendre dans le sud près d’un mois avant l’accouchement, raconte Gerri Sharpe. Jusqu’en 2017, le coût de voyage d’une personne accompagnatrice n’était pas subventionné.
Pauktuutit Inuit Women of Canada a commencé à s’intéresser de plus près à la traite de personne après avoir eu vent d’une quarantaine de cas de femmes inuit victimes de ces réseaux dans la seule région d’Ottawa, en 2012.
L’un des problèmes, explique Gerri Sharpe, est que les femmes qui arrivent dans le sud ne savent souvent pas vers qui se tourner pour trouver des ressources en logement, voire pour savoir comment rentrer chez elles.
Des relations à rebâtir
Du côté de la GRC, la commissaire Brenda Lucki affirme que le corps policier souhaite apporter son aide, notamment en assurant le maintien des communications entre ITK et les divers détachements impliqués, de même qu’en « faisant appel à l’expérience d’experts, d’Autochtones retraités et de personnes touchées par le problème. »
Gerri Sharpe croit toutefois que la GRC devra développer une meilleure compréhension de la culture inuit pour y arriver. Elle souligne entre autres qu’une variation de l’ouverture de l’oeil peut être un signe de réponse à une question.
De son côté, Natan Obed rappelle que les relations entre les Inuit et la GRC ont parfois été tendues, mais il précise que « la GRC essaie vraiment de changer ».
« Nous sommes à l’étape d’établir les fondements d’une bonne relation », conclut-il.
Parallèlement, l’ITK et Pauktuutit Inuit Women of Canada travaillent, avec le corps policier, à la création d’une formation culturelle. Les deux organismes sont également en train de mettre sur pied un mécanisme de dénonciation des comportements racistes subis aux mains d’agents de la GRC.
Avec les informations d’Olivia Stefanovich
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