Encore beaucoup à faire pour améliorer la connectivité à Internet dans le Grand Nord canadien

Ulukhaktok, en été. Cette communauté des Territoires du Nord-Ouest a, comme la plupart des régions rurales du Grand Nord, peu d’options en matière de télécommunications. (Hilary Bird/Radio-Canada)
Les ménages dans les régions rurales du Grand Nord sont loin d’avoir un accès égal à Internet haute vitesse comme ailleurs au pays, selon le rapport de la vérificatrice générale du Canada sur la connectivité des régions éloignées et rurales. Des voix estiment que l’absence de compétition est un frein à une meilleure offre de service.

Selon le rapport publié lundi, le service Internet haute vitesse n’est pas du tout disponible au Nunavut, tandis que les régions rurales des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon y ont respectivement accès à 17,7 % et à 24 %.

Pourtant, le gouvernement fédéral s’est engagé en 2019 à rendre Internet haute vitesse accessible à 100 % de la population d’ici 2030. « La connectivité n’est plus un luxe, mais bien un service essentiel pour la population canadienne », peut-on lire dans le rapport.

« Les personnes en région éloignée ne peuvent pas participer à l’économie numérique ni avoir accès à l’éducation, au travail, à des soins médicaux et à des services gouvernementaux en ligne », écrit la vérificatrice générale.

On mérite mieux

L’ancienne mairesse d’Iqaluit, Madeleine Redfern, témoigne des difficultés que vivent les Nunavummiut au quotidien lorsque les services de télécommunications ne fonctionnent pas.

L’ancienne mairesse d’Iqaluit, Madeleine Redfern, travaille maintenant auprès d’un fournisseur en télécommunications qui veut développer un réseau de fibre optique sous-marin pour le Grand Nord. (Radio-Canada)

« On peut avoir du mal à payer l’épicerie, l’essence. On peut avoir de la difficulté à respecter les échéanciers de travail, et à soumettre des demandes. C’est un problème constant », dit-elle.

La communication en cas d’urgence peut rapidement devenir un enjeu de taille quand le réseau n’est pas fiable.

Madeleine Redfern raconte avoir déjà dû se rendre en personne à la caserne de pompiers pour les aviser qu’une maison était en feu. « C’était impossible d’appeler la caserne », ajoute-t-elle.

Et c’est sans compter que les résidents du Nord paient très cher pour ces services, et de nombreux ménages à faibles revenus doivent choisir entre payer l’épicerie ou les services de télécommunications.

C’est de la frustration au quotidien. Nous méritons mieux, surtout au prix que nous payons.Madeleine Redfern, résidente et ancienne mairesse d'Iqaluit
Manque de concurrence

Aujourd’hui, Madeleine Redfern est cheffe de l’exploitation de CanArctic Inuit Networks Inc., une firme qui tente de développer 5000 km de fibre optique sous-marine à travers l’Arctique canadien.

Le projet en est à sa première phase, celle de relier Happy Valley Goose Bay, au Labrador, à Iqaluit. Mais le financement d’Ottawa se fait attendre.

Son entreprise a, entre autres, fait une demande de financement auprès du Fonds pour la large bande universelle en 2020. « Nous aurions littéralement pu construire ce câble et le mettre en service en 2023, mais […] nous attendons toujours », indique-t-elle.

Le président de Katlotech Communications, Lyle Fabian, vit les mêmes frustrations. Son entreprise, basée à Yellowknife, cherche à obtenir 12 millions de dollars pour développer un réseau de 1200 km de fibre optique reliant le Grand Nord aux réseaux du sud du pays.

Lyle Fabian est président de Katlotech Communications. Son entreprise, basée à Yellowknife, fournit des services de télécommunication grâce aux technologies sans fil et à la fibre optique. (Lyle Fabian/Swift Sparrow Photography)

Ce nouveau réseau permettrait d’offrir une autre option à meilleur prix aux résidents des territoires.

L’un des principaux problèmes que rencontrent les petits fournisseurs est l’accès aux subventions du gouvernement fédéral, selon Lyle Fabian, même si des millions de dollars sont disponibles pour développer la connectivité au pays par l’entremise du Fonds pour la large bande et du Fonds pour la large bande universelle.

Selon la vérificatrice générale, seulement 40 % du financement disponible, soit 949 millions de dollars sur les 2,4 milliards disponibles, avait été dépensé avant la fin de l’exercice 2022-2023.

Lyle Fabian dit que la plus grande partie des fonds va aux plus gros joueurs, et non aux petits fournisseurs.

« Les compagnies comme Northwestel, Bell, Rogers et Vidéotron dépensent des millions de dollars pour faire appel à des experts en subventions pour remplir des demandes en leur nom », explique Lyle Fabian. « Je ne suis pas prêt à dépenser 50 000 $ pour faire une demande de subvention, alors que je sais que je n’obtiendrai pas le financement. »

Car, selon les règles établies par ces fonds, il est impossible d’obtenir du financement d’Ottawa pour une région donnée si elle est déjà desservie par un autre fournisseur de service. Cela « empêche les entreprises de faire des redondances, ce qui signifie une connectivité supplémentaire, un choix supplémentaire pour le Nord », selon Lyle Fabian.

À défaut de pouvoir obtenir du financement d’Ottawa, son entreprise tente de convaincre un investisseur privé d’aller de l’avant avec son projet.

Le vrai problème, ce n’est pas la connectivité. Le problème, c’est la concurrence, le choix et l’abordabilité.Lyle Fabian, président, Katlotech Communications

La vérificatrice générale du Canada a fait neuf recommandations pour améliorer la connectivité dans les régions rurales et éloignées du pays.

L’une de ces recommandations, formulée à la fois au CRTC et à Innovation, Sciences et Développement économique Canada, est d’augmenter la rapidité des processus d’examen des demandes de financement, « en vue d’accélérer le financement et la mise en œuvre des projets de connectivité ».

Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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