Le premier projet de terres rares au Canada accumule les retards

408 000 tonnes de roches ont été extraites à la mine Nechalacho en 2021. (Marie-Soleil Desautels, archives Médias ténois)

À court de financement, l’entreprise derrière la première mine de terres rares au Canada, située non loin de Yellowknife, adapte sa stratégie.

Tout ne se passe pas aussi bien que prévu pour la minière australienne Vital Metals, dont la filiale canadienne, Cheetah Resources, exploite la première mine de terres rares au Canada, Nechalacho, située à quelque 100 km au sud-est de Yellowknife. La compagnie doit interrompre la construction, pour des raisons financières, de son usine d’extraction de terres rares à Saskatoon. L’enrichissement du minéral prévu dans la première phase du projet accuse également beaucoup de retard.

L’objectif de Vital Metals est de « se concentrer sur la conservation des liquidités et de rechercher d’autres sources de financement et des partenariats avec des tiers en vue de créer un modèle commercial durable pour l’usine de Saskatoon », écrit l’entreprise dans un communiqué partagé le 18 avril dernier. En découle un examen stratégique de trois mois.

La baisse du prix des terres rares, dont la demande est pourtant exponentielle puisque ces métaux se retrouvent dans les ordinateurs, les véhicules électriques, les éoliennes, etc., n’aide pas leur cause. Mais le Canada, les États-Unis et d’autres pays occidentaux tentent de réduire leur dépendance envers la Chine, qui domine le marché des terres rares, grâce à de nouvelles chaînes d’approvisionnement comme celle que veut développer Vital Metals.

« Le budget original pour construire l’usine était de 20 millions et on croit qu’il faudra plus de 50 millions pour la finir », dit David Connelly, vice-président de la stratégie et des affaires pour Cheetah Resources. La construction de l’usine d’hydrométallurgie est achevée à environ 50 %. « L’entreprise a toujours réussi à déterminer le financement dont elle a besoin », ajoute-t-il, confiant.

David Connelly explique la hausse des coûts par un ensemble de facteurs. Outre une « certaine sous-estimation initiale », il montre du doigt la pandémie, la guerre en Ukraine et les problèmes en découlant sur les chaînes d’approvisionnement ainsi que l’inflation.

La quinzaine d’employés à l’usine de Saskatoon travaille désormais sur d’autres tâches que la construction, « afin de garantir un redémarrage en douceur », dit David Connelly. L’usine devait initialement entrer en production en 2022 et livrer sa poudre de terres rares mixtes à la société norvégienne REEtec qui, de son côté, ne sera finalement pas prête à la recevoir avant le milieu de 2024.

Nechalacho : un autre gisement privilégié

Les changements de stratégie prévus à la mine Nechalacho elle-même ne sont pas encore tous connus. « La décision d’y enrichir ou non du minerai cet été n’est pas prise », affirme David Connelly.

L’été dernier, de 20 à 25 personnes travaillaient à la mine, dit-il. Combien, y en a-t-il cette année? « Il y a encore des doutes, car les plans ne sont pas finalisés », se contente-t-il de répondre. « Mais si des gens n’enrichissent pas du minerai, ils vont probablement travailler à avancer le projet d’un autre gisement », ajoute-t-il.

La première phase du projet, dite de démonstration, a commencé en 2021 et devait s’étaler sur trois ans. Durant celle-ci, il était prévu d’extraire 600 000 tonnes de roches d’un gisement appelé North T et d’enrichir le minerai directement sur le site avec un trieur à base de capteurs afin d’obtenir 15 000 tonnes du minéral recherché, la bastnaésite, qui emprisonne les terres rares.

Ce sont finalement plutôt 408 000 tonnes de roches qui ont été extraites en 2021. Aucune autre activité d’extraction n’a été prévue par la suite. Une grande partie de ces roches est sans valeur et celles qui contiennent assez de bastnaésite ont été mises de côté. « On a actuellement 11 000 mètres cubes de minerai prêt à passer dans le trieur », dit David Connelly, qui n’avait pas l’équivalent en tonnes. Si un mètre cube d’eau douce pèse une tonne, ça varie avec le minerai.

Les opérations de tri sont assurées par les employés de Cheetah Resources. En 2021, ils ont produit 1000 tonnes de bastnaésite enrichie qui ont pris la route peu après vers Saskatoon. Le tri s’est poursuivi en 2022, mais les chiffres ne sont pas encore publics. Il devait se terminer en 2023. L’objectif initial de produire et de transporter 5000 tonnes de bastnaésite enrichie pour chaque année de la première phase ne sera pas atteint.

« Il n’y a pas d’impératif économique à réaliser ce projet de démonstration à l’heure actuelle », a déclaré Richard Crookes, le président par intérim de la minière Vital Metals, dans le communiqué. On y apprenait aussi que les coûts associés à l’extraction et à l’enrichissement du minerai à North T ne « permettraient pas de dégager un flux de trésorerie positif ».

C’est pour ces raisons que l’entreprise a choisi de concentrer ses efforts sur un gisement plus important, nommé Tardiff, pour démontrer son intérêt commercial. La compagnie y a foré cet hiver et affirme que les résultats dépassent les attentes.

Seront ainsi réalisés, cet été, des travaux environnementaux, géologiques et d’ingénierie ainsi que des études de faisabilité en lien avec le gisement Tardiff, énumère M. Connelly. « Il y aura des gens à Nechalacho, même s’il pourrait ne pas y avoir d’activités d’enrichissement », dit-il. Les cuisiniers, les employés de soutien, les chauffeurs et les responsables de l’entretien des équipements seront sur place, mais les spécialistes pourraient être différents.

L’été, selon lui, sera néanmoins « actif ».

Le cours de Vital Metals, sur le marché australien, a perdu près de 80 % de sa valeur en un an et oscillait autour de 0,012 $ AU cette semaine. Plusieurs cadres, dont le président, le directeur général et le directeur financier, ont par ailleurs quitté l’entreprise dans les derniers mois.

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