Remplacement de l’Amundsen : les scientifiques brisent la glace à Ottawa

Le NGCC Amundsen est le seul brise-glace de recherche doté d’un mandat scientifique. (Radio-Canada/Olivier Bouchard)

La communauté scientifique est parvenue à percer la muraille qui la séparait d’Ottawa concernant le remplacement du brise-glace NGCC Amundsen, seul navire ayant un mandat de recherche dans l’Arctique canadien. Le bureau du ministre et député de Québec Jean-Yves Duclos s’est engagé à porter ce dossier aux Communes.

Radio-Canada rapportait récemment que la Garde côtière canadienne (GCC) avait pris la décision de ne pas remplacer spécifiquement le NGCC Amundsen, lequel doit être décommissionné vers la fin des années 2030.

Plutôt que de désigner un remplaçant à ce navire construit en 1979, la GCC prévoit répartir la recherche scientifique réalisée sur le NGCC Amundsen parmi les huit brise-glace qu’elle compte acquérir dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale du Canada.

Au total, six brise-glace de taille moyenne et deux plus gros de classe polaire sont attendus au cours des prochaines années pour remplacer la flotte actuelle.

« Les nouveaux brise-glace polaires réaliseront la majorité du programme scientifique du NGCC Amundsen dans l’Arctique, étant donné que ces navires disposeront de meilleurs moyens et de meilleures capacités pour soutenir la recherche scientifique et la souveraineté dans le Haut-Arctique tout au long de l’année », selon la Garde côtière.

Le NGCC Amundsen est un navire clé de la flotte de brise-glace canadienne. Il est équipé spécifiquement pour des activités de recherche scientifique. (Radio-Canada/Olivier Bouchard)

De son côté, le consortium Amundsen Science, basé à l’Université Laval et représentant plusieurs établissements universitaires au pays, réclame depuis des années un successeur officiel au NGCC Amundsen, tant pour ses capacités techniques (instruments) qu’en ce qui a trait à son mandat scientifique.

En vertu d’une entente de cogestion du navire en vigueur depuis le début des années 2000, les universitaires canadiens ont accès au brise-glace, propriété de la Garde côtière, durant la saison estivale. Amundsen Science jouit au passage de la liberté de décider du calendrier de mission et donc des travaux prioritaires. Cet été, le NGCC Amundsen passera ainsi 110 jours consécutifs en mer au profit de la recherche.

Selon Amundsen Science, cette façon de faire doit être conservée afin de maintenir le Canada parmi les leaders mondiaux dans le domaine de la recherche arctique, en particulier dans un contexte de changements climatiques.

Rencontre avec le cabinet Duclos

Jusqu’ici, le gouvernement de Justin Trudeau s’en était remis à la stratégie élaborée par la Garde côtière et avait évité de commenter l’affaire.

Il semble cependant que les préoccupations des chercheurs aient été entendues, notamment par le ministre Duclos. Selon nos informations, une rencontre entre un représentant de son cabinet et l’équipe d’Amundsen Science a eu lieu la semaine dernière, quelques jours après la médiatisation du dossier.

Le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos. (Photo d’archives/Radio-Canada/Sylvain Roy Roussel)

Selon une source fédérale, les échanges ont été constructifs et ont convaincu l’équipe de M. Duclos d’ouvrir la discussion au sein du gouvernement. Son bureau s’est engagé à transmettre le message d’Amundsen Science à Joyce Murray, ministre responsable de Pêches et Océans Canada, le ministère qui chapeaute la Garde côtière.

Outre le cabinet de M. Duclos, Amundsen Science peut aussi compter sur le Bloc québécois parmi ses alliés. La députée de Beauport-Limoilou, Julie Vignola, a tenu à défendre les intérêts des scientifiques.

De son propre chef, le bureau de Mme Vignola a contacté Radio-Canada la semaine dernière pour appuyer les démarches d’Amundsen Science. L’élue a insisté parce que le Canada ne doit pas réduire sa présence scientifique dans l’Arctique, encore moins de lésiner sur l’acquisition de connaissances de son environnement marin et côtier.

Optimisme du côté d’Amundsen Science

Après des « années de secrets » et de communications plus difficiles avec le fédéral au sujet des brise-glace, Alexandre Forest, directeur général d’Amundsen Science, voit cette récente rencontre comme un pas en avant.

Selon le consortium qu’il dirige, il devenait pressant de sensibiliser le gouvernement puisqu’il négocie les contrats de construction des futurs brise-glace de la Garde côtière.

« Amundsen Science se réjouit de la rencontre positive avec le bureau du ministre Duclos. Nous avons été en mesure d’exposer les questions concernant la nécessité de donner un mandat scientifique clair à l’un des futurs brise-glace, autant au niveau de sa construction que dans son modèle de gestion », a dit M. Forest.

Alexandre Forest est sorti optimiste d’une rencontre avec un représentant du cabinet de Jean-Yves Duclos. (Photo d’archives : Amundsen Science)

Selon lui, il est apparu évident lors des discussions que même le bureau du ministre était étonné de constater que la solution préconisée par Amundsen Science n’avait pas encore été pensée dans la stratégie de construction navale.

M. Forest et ses collègues ont insisté sur l’importance d’avoir un brise-glace spécialisé en recherche plutôt qu’un programme réparti sur divers navires. « La présence d’un brise-glace de recherche spécialisé permet d’élaborer et de coordonner des programmes ambitieux de recherche […] dans l’Arctique. »

Sans navire avec un mandat spécifique comme le NGCC Amundsen, Amundsen Science craint de perdre sa liberté et de se retrouver avec des miettes de temps à bord de navires, en plus d’avoir de la difficulté à planifier ses expéditions de recherche. Les besoins en équipements spécifiques font aussi partie des préoccupations.

Amundsen Science a finalement rappelé au gouvernement que plusieurs pays, même non arctiques, se sont dotés de brise-glace de recherche pour se rendre dans les régions polaires. C’est le cas de l’Allemagne, notamment, avec le Polarstern 2, dont le mandat l’amène à passer plus de 300 jours en mer par année pour la science.

Coûts et échéanciers inconnus

Les coûts et les échéanciers de construction des nouveaux brise-glace ne sont pas encore connus. La dernière estimation de la facture pour chacun des brise-glace de classe polaire était de 1,3 milliard de dollars.

Rappelons que le chantier maritime Davie, à Lévis, vient tout juste d’être confirmé comme troisième joueur dans la Stratégie de construction navale du Canada. Les deux autres sont Seaspan, à Vancouver, et Irving, en Nouvelle-Écosse.

La Davie a à sa portée les contrats pour la construction des six brise-glace de taille moyenne et de l’un des deux brise-glace de classe polaire.

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Une réflexion sur “Remplacement de l’Amundsen : les scientifiques brisent la glace à Ottawa

  • lundi 8 mai 2023 à 09:35
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    je suis un ancien membre d’équipage et oui le navire amundsen est désuet pour la science avec toutes les nouvelles technologie actuel , ils méritent mieux pour les recherches. moteurs d’échu sur toute la lignes

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