Protection des enfants autochtones : le règlement de 23 G$ devant la Cour fédérale

Le tribunal entendra cette semaine les arguments finaux sur le projet d’une entente de règlement qui serait le plus important de l’histoire du Canada s’il était adopté. (Photo d’archives/Radio-Canada/Olivier Plante)

Le tribunal entendra cette semaine les arguments finaux sur le projet d’entente de règlement. Si la Cour lui donne son approbation, ce sera le plus important règlement de l’histoire du Canada.

Les chefs et défenseurs des Premières Nations espèrent que la Cour fédérale approuvera ce règlement historique en matière de protection de l’enfance, des années après que le Tribunal canadien des droits de la personne eut qualifié le traitement du gouvernement fédéral de la protection de l’enfance des Premières Nations de « délibéré et imprudent ».

Le règlement comprend 23 milliards de dollars d’indemnisation pour plus de 300 000 enfants et leurs familles, ainsi que 20 milliards supplémentaires pour réformer le système de protection de l’enfance. Cela survient après que le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé en 2016 que le Canada faisait preuve de discrimination à l’égard des enfants des Premières Nations en raison de disparités de financement pour les services de protection de l’enfance dans les réserves et hors réserve.

Le tribunal a conclu que les Premières Nations subissent les conséquences négatives des services fournis par le gouvernement et, dans certains cas, se voient refuser des services en raison de l’engagement du gouvernement.

«Le comité reconnaît la souffrance des enfants et des familles des Premières Nations qui se voient ou se sont vu refuser une chance équitable de rester ensemble ou d’être réunis en temps opportun», indique la décision de 2016.

La protection de l’enfance figurait également parmi les questions centrales signalées dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, qui a passé six ans à se pencher sur le douloureux système des pensionnats pour enfants autochtones qui a vu le jour dans les années 1870. Le dernier de ces établissements a fermé en 1996.

La cheffe nationale par intérim de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Joanna Bernard, a déclaré que les familles attendaient ce règlement depuis des décennies.

L’APN a négocié un recours collectif aux côtés de Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations.

«J’appelle le gouvernement du Canada à agir rapidement lorsque la décision sera prise par les tribunaux», a déclaré Mme Bernard. «Plus de 300 000 enfants et familles attendent. Cela fait maintenant près de 20 ans qu’ils attendent.»

Des problèmes persistent

Mme Blackstock, qui avait avec elle un ours spirituel – un ours en peluche qui représente les enfants autochtones qui ont souffert après avoir passé par le système de protection de l’enfance – a souligné que le règlement serait une étape bienvenue pour aider les gens à guérir.

En février 2007, Cindy Blackstock a déposé une plainte contre le gouvernement du Canada devant le Tribunal canadien des droits de la personne, dénonçant la discrimination raciale à l’endroit des enfants autochtones. C’est cette initiative qui a mené au règlement de 23 G$. (Photo d’archives/Radio-Canada/Vanna Blacksmith)

«Je me sens encouragée à l’idée que cela pourrait enfin constituer une certaine mesure de justice pour les nombreuses victimes […] de la discrimination au Canada», a indiqué Mme Blackstock.

Elle a toutefois ajouté que des problèmes persistent dans le système de protection de l’enfance. Elle a signalé que les enfants des Premières Nations vivant dans les réserves sont toujours soumis à un accès inéquitable aux soins de santé et qu’Ottawa doit faire davantage pour les protéger.

«Nous devons nous assurer que le gouvernement du Canada traite réellement les enfants équitablement. Pas seulement aujourd’hui, mais après-demain et l’année d’après», a-t-elle souligné.

La ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, et le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, ont soutenu lundi dans un communiqué que de telles situations ne devraient plus se reproduire, et qu’ils travaillent à la réforme du programme de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations.

«Cet accord est le résultat du travail inlassable des dirigeants des Premières Nations», mentionne le communiqué. «Leur défense des droits des enfants et des familles autochtones pousse le Canada à faire mieux et nous fait avancer sur la voie de la réconciliation.»

Des excuses qui ne font pas l’unanimité

Une partie de l’entente de règlement exige des excuses de la part du premier ministre, mais Mme Blackstock et l’APN ont des opinions divergentes sur l’impact que pourraient avoir ces excuses.

La cheffe régionale de l’Assemblée des Premières Nations au Manitoba, Cindy Woodhouse, est d’avis que le premier ministre devrait présenter des excuses publiques à la Chambre des communes. (Photo d’archives)

Le 16 octobre, Mme Bernard et la cheffe régionale du Manitoba, Cindy Woodhouse, ont demandé au premier ministre Justin Trudeau et au gouvernement fédéral de s’excuser pour les injustices historiques et systémiques et pour ce qu’ils ont appelé l’application restreinte du principe de Jordan.

 

Qu’est-ce que le principe de Jordan?

«Le principe de Jordan est une règle juridique nommée en mémoire de Jordan River Anderson, un enfant des Premières Nations de la Nation crie de Norway House au Manitoba. Né avec des besoins médicaux complexes, Jordan a passé plus de deux ans inutilement à l’hôpital, en attendant de pouvoir sortir, pendant que la province du Manitoba et le gouvernement fédéral se disputaient pour savoir qui devait payer ses soins à domicile – soins qui auraient été payés immédiatement si Jordan n’avait pas été membre des Premières Nations.»

Source : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations  

 

«Les excuses publiques du premier ministre Trudeau et la reconnaissance des effets dévastateurs que le programme fédéral de protection de l’enfance a eus sur tant d’enfants et de familles des Premières Nations sont non seulement nécessaires, mais attendues depuis longtemps. Des excuses ouvertes à la Chambre des communes symboliseraient un pas en avant dans un esprit de réconciliation et de guérison», a déclaré Mme Bernard.

Mme Blackstock estime que les victimes méritent des excuses individuelles pour les préjudices qu’elles ont subis, mais pour que les excuses soient significatives, le gouvernement fédéral doit changer de cap dans ses relations avec les peuples des Premières Nations.

«Les meilleures excuses que le Canada puisse présenter sont un changement de comportement, en s’assurant que cela ne nuise pas à une autre génération d’enfants», a affirmé Mme Blackstock.

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