L’art du touffetage de poils d’animaux aux Territoires du Nord-Ouest

L’artiste Inuk a créé un kayakiste avec du poil de caribou. Elle utilise une méthode traditionnelle de touffetage. Chaque quantité de poils est de longueur différente pour donner du relief et du mouvement à ses créations. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Souvent présenté sur un morceau de canevas ou de peau d’animal, et de plus en plus utilisé en bijouterie, l’art du touffetage est pratiqué depuis des lustres aux Territoires du Nord-Ouest, et des artistes comme Inuk, maître touffeteuse de poils de caribou, poursuivent la tradition.

Au toucher, c’est doux comme du velours. Les poils sont attachés si serrés qu’on ne peut pas voir que ce sont en fait de petites quantités de poils, attachés et noués séparément à l’arrière du support. Pour concevoir une œuvre de quelques centimètres, comme une fleur, il faut y mettre plusieurs heures.

L’artiste Inuk est passée maître dans l’art du touffetage, un art qu’elle a appris en observant sa mère Inuvialuk et qu’elle pratique depuis plus de 30 ans.

Née en terres dénées, à Fort Simpson, Inuk a développé un style unique.

Inuk est une artiste experte du touffetage de poils de caribou, originaire de Fort Simpson, aux Territoires du Nord-Ouest. Elle a appris l’art du touffetage en observant sa mère, elle-même experte du touffetage de poils d’orignal. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Depuis environ cinq ans, des blessures aux mains l’empêchent de poursuivre sa passion, mais ça ne l’empêche pas de faire découvrir au monde entier cet art via les médias sociaux et sa marque de commerce, Inuk 360.

«La façon dont je peux décrire le touffetage, c’est comme prendre des morceaux de laine pour faire un pompon», explique-t-elle.

Quand je coupe une quantité de poils de la peau de caribou, et que je les couds sur le cuir, ça devient une touffe. Lorsque les poils sont attachés solidement ensemble avec la babiche synthétique, ils gonflent comme un pompon.

– Inuk, artiste du touffetage autochtone

Inuk coupe une quantité de poils de caribou pour préparer un touffetage. Les poils de la « barbe » du caribou peuvent atteindre 30 centimètres, ce qui permet de découper plusieurs petites quantités. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Malgré ses blessures, elle coupe une quantité de poils de caribou avec précision et les attache avec une boucle de babiche passée à travers un morceau de peau de caribou. Dès qu’elle tire sur la babiche, les poils se dressent, bien solides. Au ciseau, elle vient ensuite les tailler pour leur donner la forme voulue.

Un art durable

La barbe blanche du caribou en hiver est celle normalement utilisée, car elle est plus longue, plus dense et peut aussi être teintée. «Mon frère chasse le caribou, le caribou nourrit notre famille. Il prépare le pelage, la barbe du caribou, et nous l’envoie, ma mère et moi», explique Inuk. De ce pelage, l’artiste en tire un gagne-pain.

Le touffetage de poils d’animaux est aussi utilisé pour fabriquer des bijoux. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Inuk préfère travailler avec le poil de caribou, plus fin que le poil d’orignal. Mais tous les poils peuvent être touffetés, ceux du chevreuil, du renne, de l’ours polaire, et en l’absence de poils d’animaux, de la laine peut être utilisée.

Selon Arts TNO, c’est d’ailleurs la laine et une technique de tapisserie utilisée dans les pensionnats qui serait à l’origine du touffetage de poils d’animaux aux Territoires du Nord-Ouest.

Les premières œuvres de touffetage documentées aux T.N.-O. datent des années 1920 et 1930. Boniface Lafferte, Métis de la région de Fort Providence, a reproduit une technique de tapisserie utilisée par les sœurs du pensionnat, «le point de gayant», mais en remplaçant la laine par du poil d’orignal.

Inuk n’utilise que le pelage du caribou en hiver, où les poils sont plus drus. Les poils de la « barbe » de l’animal, soit le pelage sur le cou de l’animal, et l’arrière de ses cuisses, sont davantage choisis pour leur blancheur. (Radio-Canada/Julie Plourde)

La technique aurait tellement fasciné les sœurs qu’elles l’auraient introduite dans leurs enseignements aux enfants métis et dénés.

Aujourd’hui, on dit de Fort Providence, aux T.N.-O., que c’est le berceau du touffetage, et la fleur à cinq pétales en touffetage, son emblème.

Née pour touffeter

Entre ses débuts et aujourd’hui, Inuk remarque à quel point la technique est de plus en plus utilisée. Plus jeune, seulement quatre autres personnes, y compris sa mère, faisaient du touffetage. «Je pense qu’il y a un renouveau», dit-elle.

L’une des pièces de touffetage fabriquées par Inuk, au début de sa carrière. (Radio-Canada/Julie Plourde)

C’est à force de travailler et de parfaire sa technique qu’Inuk a obtenu le titre de maître du touffetage de poils de caribou, un titre que je n’assumais pas à mes débuts, mais ça a changé en vieillissant, dit celle qui dit être née pour touffeter.

Je le mérite, car ne pas reconnaître mon talent et ce que j’apporte à tellement de gens dans le monde serait criminel.

– Inuk, artiste du touffetage autochtone

«J’ai littéralement vécu, respiré et mangé du poil de caribou de l’âge de 20 à 25 ans», raconte-t-elle, travaillant de 18 à 20 heures par jour. Elle a remporté plusieurs prix, et, en 1994, elle a offert l’une de ses pièces à la reine Élisabeth et au prince Philippe lors de leur visite royale aux T.N.-O. Et les gens ont commencé à m’appeler maître du touffetage.

Inuk a enseigné le touffetage de poils de caribou partout dans le monde, jusqu’en Russie auprès du peuple Yamal. Une façon de revitaliser la technique et de faire découvrir un art autochtone durable.

«Quand une pièce de touffetage voyage ailleurs, la personne qui l’achète devient pour nous un éducateur, un défenseur […] dans le Sud», dit-elle.

Elle se bat aussi pour que cet art soit apprécié à sa juste valeur. «Je blague en disant que je suis le Louis Vuitton du touffetage. Mais s’il a pu le faire et demander ces prix, je peux bien le faire aussi, n’est-ce pas?»

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Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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