Évaluation après action : la gestion de l’évacuation de Yellowknife sous la loupe
La Ville de Yellowknife cherche à recueillir les réactions de ses habitants sur la gestion de l’évacuation de l’été 2023. À cet effet, elle a engagé une société d’audit, KPMG, pour réaliser une évaluation après action afin d’établir les meilleures pratiques selon la réponse de la Ville à la saison des feux de forêt de 2023, ainsi que les domaines susceptibles d’être améliorés.
Les résidents sont invités à fournir des commentaires en ligne par le biais d’un sondage ouvert jusqu’au 12 avril 2024, sur la page PlaceSpeak de la Ville.
La semaine dernière, le 27 mars, une séance publique a été organisée au Multiplex de Yellowknife pour permettre aux habitants de se prononcer sur la gestion de l’évacuation par la Ville. Plusieurs dizaines de résidents se sont présentés. Un micro a été installé au centre de la salle et, pendant deux heures, une trentaine de personnes se sont levées pour prendre la parole.
La plupart des interventions étaient critiques à l’égard des actions de la Ville et du gouvernement territorial, l’aspect le plus cité étant le manque de communication avec les résidents les jours de l’évacuation.
Médias ténois a assisté à la séance publique, mais les personnes qui ont pris la parole ont préféré garder l’anonymat.
«Je ne vous crois pas»
L’absence de plans clairs, de stratégies de communication et de transparence, notamment en ce qui concerne les procédures d’évacuation et les directives de mise à l’abri, a suscité des inquiétudes. La nécessité d’élaborer des plans de gestion des urgences plus détaillés afin d’instaurer la confiance au sein de la communauté a été soulignée à plusieurs reprises dans les discours.
«Personne ne semblait savoir ce qu’il fallait faire ni à quel moment. Au cours de la saison à venir, que se passera-t-il lorsque l’ordre d’évacuation sera donné? Je me risquerais à dire que 80 % de la population dira simplement : “Je ne vous crois pas”», a affirmé l’un des premiers participants.
Les intervenants ont exprimé leur frustration face à la perception d’incompétence et au manque de coordination entre les autorités, soulignant l’importance de tirer les leçons des expériences passées et d’intégrer les retours d’expérience dans les futurs efforts de préparation.
«On nous a dit à plusieurs reprises que Yellowknife n’allait jamais être évacuée. L’incendie à l’extérieur de la ville a brûlé pendant un mois avant de commencer à menacer la ville. Et soudain, à 19 h le mercredi, on nous a dit que tout le monde devait quitter la ville tout de suite ou au plus tard vendredi. Il n’y avait pas de plan d’évacuation, c’est clair. On s’attendait à ce qu’il n’y ait jamais d’évacuation et c’était le plan sur lequel tout le monde travaillait», a ajouté un habitant.
Manque de stratégie et de communication
Les intervenants ont exprimé leur déception quant à la gestion de la situation par les gouvernements locaux et territoriaux. Plusieurs ont critiqué ce qu’ils considèrent comme un manque de stratégie et de planification.
Malheureusement, la communication concernant l’évacuation, je déteste le dire, mais c’était presque comme un sketch d’un film des Monty Python.
«Tout va bien, tout va bien, et puis soudain : “Oh, fuyez, fuyez, fuyez.” Il n’y a pas eu de transition. C’était un virage immédiat. Et ils s’attendaient à ce que les gens soient capables d’y répondre. Je n’ai jamais rien vu de la part de la Ville. Ils n’arrêtaient pas de dire qu’ils avaient un plan, mais quand nous avons demandé à voir le plan, nous n’avons rien eu d’autre que des affirmations disant qu’ils suivaient le plan», indique un des participants.
Il a cependant noté que l’évacuation avait tout de même des points positifs : «Je dois dire que dans le cadre de l’évacuation, le ravitaillement en carburant et la réponse de High Level ont été excellents.»
Les conversations ont abordé les expériences de diverses communautés, notamment les questions liées aux sans-abris, aux communautés autochtones et aux difficultés rencontrées par les groupes vulnérables lors des incendies de forêt. Des suggestions ont été faites pour améliorer la collaboration et la responsabilité dans la gestion des situations d’urgence, en mettant l’accent sur les besoins des populations défavorisées et en renforçant les approches inclusives et culturellement sensibles de la gestion des situations d’urgence.
Inquiétudes
L’exercice organisé par la Ville a mis en lumière la nécessité de respecter, de comprendre et de soutenir les communautés autochtones et les autres groupes touchés de manière disproportionnée par les crises, en insistant sur l’importance d’une prise de décision inclusive dans la réponse aux situations d’urgence.
Les appels à l’action comprennent la révision des stratégies d’évacuation, un meilleur soutien aux groupes vulnérables et l’adoption d’une approche plus empathique et collaborative.
D’autres ont exprimé leur profonde inquiétude concernant l’été à venir et ont estimé que toute cette discussion est tardive et aurait dû avoir lieu il y a plusieurs mois.
La séance a coïncidé avec le premier jour où l’on a commencé à voir de l’eau liquide dans les rues de Yellowknife, premier signe de la fonte des neiges. «Quelqu’un a-t-il vu ce qui se passe à l’extérieur?», a demandé un homme à toute la salle. «C’est la même chose que l’année dernière. Je suis ici depuis 60 ans et nous allons revivre la même situation que l’année dernière», a-t-il prévenu, inquiet.
Nous sommes ici ce soir pour discuter des erreurs que nous avons commises l’année dernière, mais nous aurions dû le faire il y a des mois», a-t-il poursuivi, sous les applaudissements de la salle.
Les applaudissements les plus soutenus de la soirée ont eu lieu lorsque l’un des orateurs a salué le rôle et la contribution de «tous les membres du personnel et les bénévoles qui sont restés, ainsi qu’à la province de l’Alberta pour toute son aide».
Bien qu’il s’agit d’une audience publique, compte tenu de la nature sensible du sujet et du caractère privé des opinions partagées par les différentes sources, Médias ténois a consenti à l’anonymat des participants, à leur demande.
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