Le Canada est un des grands pays maritimes du monde. Onze de ses 13 provinces ou territoires bordent au moins un océan. En plus des océans Pacifique, Arctique et Atlantique, le Canada possède une vaste mer intérieure, la baie d’Hudson, qui se trouve au nord de la célèbre région des Grands Lacs.
Les terres elles-mêmes sont plongées dans l’eau, car il y a un million d’îles et trois millions de lacs au Canada. Un record mondial. La présence de toute cette eau favorise la circulation quotidienne de 750 à 1300 navires marchands, mais seulement à l’été.
De novembre à avril, la plupart des voies navigables sont figées dans la glace .
L’été, le Canada profite pleinement de quelques-unes des voies fluviales intérieures les plus longues du monde. Ces cours d’eau sont du gabarit de l’Amazone, du Nil et du Mississippi.
Le fleuve Fraser s’étend sur 1370 kilomètres, et le Mackenzie, le plus long fleuve canadien, sur 4241 kilomètres. Quant au Saint-Laurent et à sa célèbre Voie maritime (longue de plus de 3000 kilomètres), ils forment un réseau hydrographique qui contient 20 % des réserves d’eau douce de la planète.
Vus de l’espace, les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent donnent sa forme au Canada. Il est incontestable que c’est le Saint-Laurent, et non l’Amazone ou le Mississippi, qui possède le plus grand estuaire maritime du monde.
Le fleuve et son estuaire géant correspondent en fait à une brèche dans l’écorce terrestre, qui est remontée à la surface il y a quelque 10 000 ans lorsque les glaciers se sont retirés du continent.
À la fin de la dernière époque glaciaire, les Grands Lacs se forment. Un mur de glace de 10 kilomètres se retire alors vers le nord. Sur son passage, il laisse dans la roche des entailles qui se remplissent de grandes quantités d’eau de fonte.
L’eau des Grands Lacs pourrait couvrir les 48 États des États-Unis sur une profondeur de presque 3 mètres.
Le fleuve Saint-Laurent au Québec. L’Encyclopédie canadienne
Le fleuve Fraser en Colombie-Britannique. L’Encyclopédie canadienne
Le fleuve Mackenzie dans les Territoires-du-Nord-Ouest. L’Encyclopédie canadienne
Nathalie Lasselin a nagé un demi Marathon dans le fleuve Saint-Laurent – RCI
Majesté des Grands Lacs canadiens
Grands Lacs vu de l’espace. Great Lakes from space
Le réseau de transport fluvial de la Voie maritime du Saint-Laurent a attiré, autour des Grands Lacs, des papeteries, des usines métallurgiques et chimiques, des fabricants d’automobiles ainsi que de nombreuses entreprises manufacturières qui ont graduellement pollué les plans d’eau.
Aujourd’hui, on trouve notamment des métaux lourds toxiques dans toute la chaîne alimentaire. Ils remontent jusqu’aux bélugas et aux baleines de l’estuaire du Saint-Laurent.
En 1980, une commission mixte internationale Canada États-Unis a repéré 42 sites jugés préoccupants. En effet, les pluies qui tombent le long des rives des Grands Lacs lessivent les eaux usées des nombreuses villes qui encerclent la région. Par ailleurs, il a fallu lutter contre la pollution de l’air.
La vallée du Saint-Laurent était occupée, il y a près d’un milliard d’années, par un plateau aussi élevé que celui du Tibet actuel.
Les glaces, en se retirant à la suite d’un réchauffement survenu il y a environ 12 000 ans, ont laissé derrière elles une vaste mer intérieure, la mer de Champlain, qui, en se retirant à son tour il y a un peu moins de 9000 ans, a laissé place au fleuve Saint-Laurent.
Voilà pourquoi certains banlieusards de la région de Montréal, au Québec, trouvent souvent, lorsqu’ils se mettent à aménager un jardin dans leur cour arrière, de petits coquillages au fond de leur pelle.
Le Québec et la côte Ouest du Canada font partie des rares endroits du monde où il est possible de voir, depuis la berge, des baleines à la surface de la mer. L’animal le plus imposant de notre planète, le rorqual bleu, mesure plus de 25 mètres et fréquente les eaux du Saint-Laurent.
Le cétacé qui arrive au deuxième rang quant à la taille, le rorqual commun, est lui aussi un visiteur de la région. Les mammifères marins sont attirés par les réserves de nourriture importantes, tout particulièrement dans le gigantesque estuaire du Saint-Laurent.
À certains endroits, le fleuve est si profond près du littoral qu’on observe régulièrement des baleines à partir du rivage.
De nombreux ports de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent, tant sur la rive nord que sur la rive sud, offrent des excursions touristiques quotidiennes durant les mois les plus doux de l’année, à bord d’embarcations motorisées.
Depuis une vingtaine d’années, l’observation des baleines gagne aussi en popularité dans les régions escarpées de la côte Ouest de la Colombie-Britannique. On les voit plonger en plein océan Pacifique.
Environ 33 espèces de baleines vivent dans les eaux canadiennes, dont 13 ont fait l’objet de pêche commerciale à grande échelle. Depuis le moratoire de 1972 sur la chasse à la baleine au Canada, les appareils photo remplacent les harpons.
Vous aimez les baleines? Lisez nos nombreux reportages sur ces mammifères marins – RCI
Très longtemps, le canot a occupé la première place dans les moyens de transport au pays. La plupart des terres intérieures du Canada ont d’abord été explorées en canot d’écorce.
Ce type d’embarcation a été, jusqu’à l’arrivée du bateau à moteur en 1820, le moyen de transport universel, la «voiture du peuple», pour les Amérindiens comme pour les Blancs. À l’époque, tout le monde savait comment le canot était fabriqué et comment il fallait s’y prendre pour le réparer.
Le «canoë canadien» contemporain, qu’on peut facilement acheter en magasin, ressemble comme deux gouttes d’eau à l’embarcation traditionnelle amérindienne, faite à partir d’écorce ou de troncs d’arbres creusés. Les caractéristiques particulières du canot canadien sont son profil élancé, son large fond plat et ses plats-bords légèrement inclinés vers l’intérieur.
L’écorce de bouleau est le matériel par excellence des canots traditionnels au Canada, car elle est lisse, dure, légère, résistante et imperméable. On trouve du bouleau presque partout au pays.
Il faut de 8 à 12 arbres pour faire un canot, et de 1 à 3 bûches pour effectuer une réparation en forêt.
Les joints des panneaux de bouleau du canot sont cousus avec des racines de pin. L’ossature de l’embarcation est habituellement faite de cèdre trempé dans l’eau, puis courbé pour prendre la forme du canot. Enfin, la résine de pin ou d’épinette, appliquée à l’aide d’un bâton chaud, rend les coutures imperméables.
Les colons français installent vers 1750 la première et la plus grande usine de canots du monde. La fabrication en série va permettre une multiplication des modèles de base. C’est à ce moment, par exemple, que naissent les canots très longs, modèles de luxe destinés aux grands commerçants.
Le «modèle supérieur» mesure 12 mètres. Il peut porter de 6 à 12 personnes, en plus d’un chargement de 2300 kilogrammes.
Il y a aussi le petit «canot du Nord», qui peut recevoir 5 ou 6 hommes et une cargaison de 1360 kilogrammes. On l’emploie pour naviguer sur les lacs, les rivières et les ruisseaux difficiles d’accès.
Propulsé à l’aide de pagaies étroites à un rythme rapide et régulier de 45 coups à la minute en moyenne, le canot peut couvrir une distance de 7 à 9 kilomètres en 1 heure. Les canots rapides, qui transportent beaucoup de personnes et peu de marchandises, peuvent parcourir jusqu’à 140 kilomètres en 18 heures.
Léger et maniable, dans les rapides notamment, le canot se transporte assez facilement sur les épaules d’une personne en cas de besoin.
Lorsqu’on porte un canot entre deux rivières, à travers la forêt ou la prairie, on fait du «portage». Il y a d’ailleurs, au centre du Canada, dans la province du Manitoba, une petite ville qui se nomme Portage La Prairie.
La Course de canot à glace de Québec vue par des dizaines de millions dans le monde – RCI
Le chiffre 21 est celui que porte un célèbre quai du port de Halifax, au bord de l’océan Atlantique. Entre 1928 et 1971, c’était la porte d’entrée maritime des immigrants.
Le quai 21 était le Ellis Island canadien.
À l’époque, plus d’un million et demi d’immigrants sont entrés au Canada par ce quai. La plupart venaient d’Europe. La durée moyenne de leur traversée était de six ou sept jours.
Le Quai 21 a aussi vu les troupes militaires canadiennes quitter le pays et revenir du combat lors de la Deuxième Guerre mondiale. On estime que ce quai a joué un rôle déterminant quant à l’histoire personnelle ou familiale de 20 % des Canadiens qui sont actuellement en vie.
Aujourd’hui, le Quai 21 est un musée qui s’intéresse au passé, au présent et à l’avenir de l’immigration au Canada. Il attire les passionnés d’histoire et de généalogie.
Quai 21. Lieu historique. Gouvernement du Canada
Le fleuve Saint-Laurent est la plus grande voie de pénétration maritime naturelle de la planète. C’est un passage obligé pour les milliers de cargos géants venant chaque année de partout dans le monde.
La Voie maritime ouvre depuis plus de 55 ans le centre de l’Amérique du Nord au commerce mondial.
Cette voie a été creusée pour des navires de 220 mètres de long, de 23 mètres de large et de 35 mètres de haut, ayant près de 8 mètres de tirant d’eau.
La première partie de la Voie maritime se trouve dans le fleuve Saint-Laurent. C’est une suite de canaux et d’écluses, dont cinq sont en territoire canadien et deux en territoire américain. Cette voie permet de relier en moins d’une semaine l’océan Atlantique à tous les ports canadiens et américains importants situés à l’intérieur des terres, presque au centre du continent, à proximité des Grands Lacs.
La Voie maritime est administrée par le Canada et les États-Unis. Toutefois, c’est le Canada qui est le principal architecte des travaux.
La navigation sur le Saint-Laurent a été un enjeu important, d’abord pour les Amérindiens, puis pour les colons arrivés d’Europe.
Jusqu’au XVIIIe siècle, les navires de haute mer peuvent seulement remonter le fleuve jusqu’à la ville de Québec. À cette époque, même les petites embarcations ne sont pas en mesure de se rendre plus en amont, jusqu’à Montréal par exemple, en raison des rapides.
On entreprend les premiers travaux d’amélioration du transport sur le fleuve dès 1700, avec la création d’un canal qui contourne les rapides. La construction du canal de Lachine est laborieuse, coûteuse, et ne se termine qu’en 1825.
La construction de ce canal requiert l’ouverture du chantier le plus important de l’Empire britannique.
Lorsqu’il est terminé, le canal de Lachine mesure presque 14 kilomètres, compte 6 écluses, mais sa profondeur n’est que de 1,5 mètre. Grâce à lui, Montréal s’impose rapidement comme métropole industrielle du Canada.
Des deux côtés de la frontière, vers la fin du XVIIIe siècle, l’intérêt quant à l’aménagement d’une voie navigable plus profonde sur le Saint-Laurent et vers les Grands Lacs est de plus en plus vif.
En 1895, les gouvernements américain et canadien forment une Commission des voies navigables en vue d’étudier le projet et, deux ans plus tard, celle-ci se déclare favorable à l’entreprise. Jusqu’en 1904, on creuse entre autres les canaux de Lachine et de Welland afin qu’ils puissent recevoir des embarcations ayant 4,3 mètres de tirant d’eau. En 1932, le Canada exécute une autre série de travaux sur un tronçon majeur, en Ontario cette fois. C’est la première étape de l’aménagement de la Voie maritime comme nous la connaissons aujourd’hui.
Dès le début des années 1950, les industriels américains et canadiens exercent des pressions constantes pour que leur gouvernement respectif creuse une voie de navigation plus large et plus profonde.
Le commerce avance à la vitesse de l’éclair au cours des années d’après-guerre et il requiert le transport de produits de toutes sortes pour nourrir l’appétit de consommation d’une population en pleine expansion.
Il faudrait remplacer les canaux plus ou moins larges et plus ou moins profonds par une véritable voie maritime. Au départ, le gouvernement américain ne veut pas payer. C’est le Canada, affirme Washington, qui doit absorber la facture.
Le gouvernement du Canada brandit alors la menace d’aménager entièrement la voie maritime en territoire canadien. Si les Américains ne veulent pas payer, ils devront s’en passer. Cela convainc le gouvernement des États-Unis qui, en 1954, accepte de s’entendre avec le Canada.
En septembre 1954, les deux pays donnent ensemble le premier coup de pelle. Cela nécessite l’inondation de vastes régions, l’expropriation de 260 kilomètres carrés de territoire et le transfert de villages entiers. Environ 6500 personnes sont relogées dans des maisons neuves, et pas moins de 550 demeures sont transportées et installées sur de nouvelles fondations.
En avril 1959, le Saint-Laurent devient enfin une véritable autoroute fluviale entre l’océan Atlantique et le cœur du continent nord-américain.
L’ouverture royale de la Voie maritime du Saint-Laurent en 1959 – Radio-Canada
Visite de la reine Elizabeth II au Canada en 1959 dans le cadre de l’ouverture officielle de la Voie maritime du Saint-Laurent
Au fil du XXe siècle, de grands navires, les Lake Freighters (ou laquiers en français), sont conçus pour naviguer sur les Grands Lacs (Ontario, Érié, Huron, Michigan, Supérieur), mais aussi sur le fleuve Saint-Laurent, jusqu’à l’océan Atlantique.
Typiquement, les laquiers transportent le minerai de fer des mines du Québec et du Labrador jusqu’aux aciéries de la région des Grands Lacs, là où on fabrique les automobiles américaines. Ces navires peuvent transporter un million de boisseaux de blé (27 000 tonnes) en un seul voyage. Le blé et les autres grains fourragers représentent 40 % du fret des laquiers canadiens. Viennent ensuite le charbon, le minerai de fer et la pierre calcaire.
Presque aussi longs que des pétroliers géants, ils sont munis d’une coque quasiment aussi plate que celle d’une chaloupe.
Parmi les laquiers modernes, construits à partir des années 1970, les plus gros mesurent environ 300 mètres et sont communément appelés footers. Ils sont trop grands pour naviguer sur les fleuves et les rivières en raison des écluses, notamment celles de la Voie maritime du Saint-Laurent.
La silhouette aplatie et longue de ces navires laisse deviner leur fonction: acheminer des marchandises en vrac le long d’une série d’écluses qui sont d’un tiers plus étroites que celles du canal de Panama.
La longévité des laquiers, qui peuvent rester en service une cinquantaine d’années parfois, s’explique en grande partie par la faible salinité de l’eau des Grands Lacs, qui entraîne beaucoup moins de corrosion que l’eau des océans. De plus, la basse température des eaux permet un excellent refroidissement des moteurs. Un certain nombre de petits laquiers, qui datent du début du XXe siècle, naviguent encore.
C’est le nombre de litres d’eau qui tombent chaque seconde des célèbres chutes du Niagara, les plus puissantes du continent nord-américain. Toutes les deux secondes, elles déversent l’équivalent de l’eau contenue dans une piscine olympique. Cela correspond à 30 piscines olympiques à la minute, soit 600 à l’heure.
Pour admirer toute cette eau de près, au point d’en être mouillé jusqu’aux os, on peut depuis 1846 monter à bord du Maid of the Mist.
Ce bateau, dont le nom (traduit an anglais) évoque Ogiara, un personnage de la mythologie indienne, transporte même les passagers dans les tourbillons qui se trouvent derrière les chutes.
Chutes du Niagara, à bord du Maid of the Mist
Le 29 mars 1848, les chutes du Niagara cessent mystérieusement de couler. La montagne d’eau habituelle se transforme en un mince filet.
Invraisemblable! Les gens accourent pour observer le phénomène. Certains y voient le signe de l’approche de la fin du monde. D’autres, plus braves, s’amusent à traverser à maintes reprises le lit de la rivière, bondissant de rocher en rocher. Ils découvrent une multitude d’objets au fond du cours d’eau tari.
Il y a, au fond de la rivière Niagara, de vieilles baïonnettes rouillées, des fusils, des tomahawks et d’autres artéfacts datant de la guerre canado-américaine de 1812.
On découvre bientôt qu’en amont de la rivière l’eau est bloquée par la formation d’un mur de glace haut de plusieurs mètres. Tout est hermétiquement scellé au confluent de la rivière Niagara et du lac Érié, ce qui empêche les eaux de descendre.
Environ 48 heures plus tard, dans la nuit du 31 mars, la glace cède, et la rivière recommence à s’engouffrer dans le col des célèbres chutes.
Malgré les technologies modernes (GPS, radar, etc.) et les aides à la navigation implantées sur les rives canadiennes, le fleuve Saint-Laurent demeure une des voies navigables les plus dangereuses du monde.
Les bancs de sable y sont nombreux, et la visibilité est souvent limitée, particulièrement l’hiver, où la glace peut facilement encercler les bateaux et percer leurs coques.
En plusieurs endroits, les navires commerciaux de plus de 100 pieds (30 mètres) doivent, s’ils circulent sur le Saint-Laurent, être guidés par des pilotes brevetés. Ces spécialistes de la sécurité et de la protection des écosystèmes fluviaux et maritimes sont formés pour naviguer dans ce monde mouvant, où les marées peuvent dépasser six mètres et où les courants puissants tourbillonnent fréquemment dans plus d’une direction.
La région des Grands Lacs, véritable mer intérieure, peut aussi s’avérer dangereuse pour les navires. Les Grands Lacs sont le tombeau de centaines de bateaux, la plupart ayant fait naufrage à l’ère des voiliers, entre 1750 et 1870, dans des tempêtes ou à la suite d’incendies et de collisions.
En plein océan Atlantique, à 300 kilomètres au sud de Halifax, la capitale de la Nouvelle-Écosse, se trouve la redoutable île de Sable. Celle-ci est associée aux épaves, mais aussi aux chevaux sauvages qui y vivent aujourd’hui et qui ont débarqué, un peu malgré eux, à la suite d’un naufrage ou deux il y a un plus de 100 ans. Comment ces animaux et les plantes survivent-ils aux vagues, au vent et à l’isolement? Une chose est sûre: l’endroit est dangereux.
C’est ici, au large du Canada, qu’on trouve la zone maritime canadienne la plus sujette aux sautes d’humeur des tempêtes.
Ce croissant de 10 kilomètres de long est surnommé le «cimetière de l’Atlantique» en raison de ses sables mouvants, formés par le vent et les courants. Plus de 350 bateaux y ont fait naufrage.
Le Canada a donc connu plus que sa part de naufrages et de tragédies, tant à l’intérieur de ses terres que le long de ses côtes.
Malgré sa petite population de 400 000 habitants, Halifax est la plus grande ville côtière du Canada après Vancouver. C’est dans cette capitale bucolique de la Nouvelle-Écosse, au bord de l’Atlantique, que se trouve le troisième port canadien au chapitre de la taille, un des plus vastes ports de pêche du monde et la plus grande base navale militaire canadienne.
Pendant des années, Halifax est pourtant passée inaperçue pour le reste de la planète. Elle vient à la connaissance du monde en 1912, au moment du naufrage du Titanic. Cependant, ses 15 minutes de célébrité surviennent 5 ans plus tard.
En 1917, le 6 décembre, le port de Halifax est le théâtre de la plus violente explosion accidentelle d’origine humaine de l’histoire.
Ce jour-là, par un matin particulièrement brumeux, un bateau norvégien vient percuter un navire français chargé d’explosifs. Environ 2000 personnes meurent et 9000 sont blessées.
La Première Guerre mondiale bat encore son plein, et c’est au port de Halifax que se regroupent, avant leur traversée vers l’Europe, les convois de bateaux transportant des militaires américains ou canadiens et des équipements de toutes sortes.
Le matin du 6 décembre, deux capitaines de bateaux attendent avec impatience leur départ. À bord d’un navire de secours belge ancré dans le port, le capitaine From est contrarié parce qu’une inspection, le soir précédent, l’a forcé à reporter son départ au matin.
Plus loin au large mouille le vapeur français Mont Blanc, dont le capitaine, Aimé Le Medec, attend l’autorisation officielle pour entrer dans le port. Le Medec est inquiet, et pour cause: son bateau est chargé de milliers de tonnes d’acide, de TNT, de coton-poudre et de benzène.
Le Mont Blanc, véritable bombe flottante, est vulnérable en raison des sous-marins allemands qui viennent parfois rôder au large du port.
À 7 h 30, le Mont Blanc commence enfin sa lente entrée dans le port, au moment où le bateau belge lève l’ancre. Celui-ci, forcé de s’engager du mauvais côté du chenal en raison de la présence d’un vapeur et d’un remorqueur, avance dans la brume et se dirige sans le savoir vers le Mont Blanc. Les deux navires s’aperçoivent. Malgré une série frénétique de coups de sifflet stridents, c’est la collision.
Depuis les rives de Halifax, des milliers de spectateurs assistent à l’accident. Des travailleurs d’usine, des débardeurs, des mères et des enfants se précipitent vers les endroits qui leur permettent de mieux voir ce qui se passe. Ils n’ont pas idée du danger qui les guette.
Parmi les victimes, il y aura le télégraphiste Vince Coleman. De la fenêtre de son petit bureau du centre-ville de Halifax, il a vu lui aussi les deux navires se percuter et s’enflammer. Contrairement à d’autres, il juge la situation très dangereuse. Il sait ce que ces navires peuvent contenir et qu’il ne lui reste qu’une ou deux minutes pour agir. Plutôt que de fuir, il reste à son poste pour alerter un train à bord duquel se trouvent 700 passagers et qui est en route vers le port de Halifax. Il est 9 h 05.
De l’autre côté de la colline, le conducteur du train capte le message de Coleman et arrête sa locomotive.
À 9 h 06, la pire explosion d’origine humaine avant les bombes atomiques de Hiroshima et de Nagasaki dévaste Halifax. On entend la déflagration à 420 kilomètres à la ronde.
C’est encore de nos jours la pire catastrophe d’origine humaine qui soit survenue en territoire canadien.
L’une des plus grandes explosions du monde qui a fait plus de 2000 morts à Halifax – RCI
En 1912, les journaux déclarent que le RMS Titanic, un transatlantique britannique de la White Star Line, est invincible. C’est le paquebot le plus luxueux et le plus grand jamais construit.
Son succès est éphémère puisque, le 15 avril 1912, il heurte un iceberg au large du Canada, à 650 kilomètres au sud-est de Terre-Neuve. Il sombre en moins de trois heures, au moment où il est sur le point de parvenir au terme de sa traversée inaugurale de l’océan Atlantique.
Entre 1490 et 1520 personnes meurent dans ce naufrage, ce qui fait de cet événement une des plus grandes catastrophes maritimes en temps de paix. C’est aussi une des catastrophes les plus médiatisées, notamment parce qu’elle cause la mort de plusieurs millionnaires de grande réputation.
Ce drame met en évidence les carences des procédures d’évacuation et le nombre insuffisant de canots de sauvetage sur tous les bateaux de l’époque.
La capacité des canots du Titanic était de 1178 personnes, mais il y avait 2200 individus à bord.
La plupart des canots qui ont quitté le Titanic étaient à moitié vides. Seules 2 des 20 embarcations étaient pleines.
Le 14 avril à 23 h 40, le Titanic heurte un iceberg au large de l’île de Terre-Neuve alors qu’il progresse à plus de 40 kilomètres à l’heure et qu’il a déjà parcouru plus de 2700 kilomètres. Le choc fait légèrement vibrer le navire; des plaques de tôle se déchirent et des rivets sautent, ouvrant une voie d’eau de quelques mètres dans la coque, sous la ligne de flottaison.
15 avril 1912 : naufrage du Titanic au petit matin à 600 km au large de Terre-Neuve – RCI
Qui se souvient encore au Canada du naufrage du Titanic? – RCI
L’Empress of Ireland est un transatlantique de la compagnie Canadien Pacifique, mieux connue pour ses trains de passagers. À l’époque, l’entreprise exploite le réseau de transport et de communication le plus vaste du monde. Depuis janvier 1906, le paquebot effectue la liaison entre Québec, au Canada, et Liverpool, en Angleterre.
L’Empress of Ireland et son jumeau, l’Empress of Britain, sont les navires les plus grands, les plus confortables et les plus rapides de la flotte canadienne en service sur l’océan Atlantique.
Les bateaux de la classe Empress sont des transatlantiques de taille moyenne, qui n’ont rien du luxe des paquebots qui se disputent le marché des trajets New York-Europe. Ils assurent tout de même, à moindre coût, une traversée confortable aux passagers effectuant le voyage entre la Grande-Bretagne et le Canada. Leurs dimensions sont de 168 mètres sur 20 mètres.
Les derniers moments de l’impératrice d’Irlande
Le 29 mai 1914, à 16 h 30, l’Empress of Ireland quitte le port de Québec. Près de neuf heures plus tard, il sombrera dans l’estuaire du Saint-Laurent, à quelques kilomètres de la petite ville de Rimouski. Ce sera le plus grand naufrage de l’histoire du Canada.
Le navire, pourtant, en est à sa 192e traversée de l’Atlantique. Il est piloté pour la première fois par le capitaine Henry Kendalla.
Dans la nuit du 29 mai 1914, vers 1 h 55, alors que le paquebot progresse en pleine brume, un bateau charbonnier norvégien le heurte par tribord, entre ses deux grandes cheminées. Un canot de sauvetage est libéré de ses attaches. Le navire s’affaisse très vite sur le côté, ce qui rend les manœuvres de secours impossibles. L’Empress of Ireland coule en 14 minutes.
En raison de la rapidité du naufrage, de l’impossibilité d’utiliser les embarcations de sauvetage et de la température de l’eau du Saint-Laurent (de 0 à 4 °C tout au long de l’année), seules 465 des 1477 personnes qui se trouvaient à bord survivent.
Ce naufrage a fait moins de victimes que ceux du Titanic (1513 morts sur 2208 personnes) et du Lusitania (1198 morts sur 1257 personnes). Cependant, la proportion d’individus décédés est supérieure à celle du Titanic.
Depuis 2009, le site du naufrage de l’Empress of Ireland est désigné Lieu historique national du Canada.
L’Empress of Ireland, une histoire oubliée. Musée virtuel du Canada
Le naufrage oublié du paquebot Empress of Ireland dans le fleuve Saint-Laurent – RCI
Le SS Edmund Fitzgerald est un cargo américain en activité dans les Grands Lacs. Il transporte le plus souvent du minerai de fer canadien vers les installations de l’industrie automobile américaine. Au moment de son inauguration, le 8 juin 1958, c’est le plus grand bateau à voguer sur les Grands Lacs.
L’Edmund Fitzgerald est un colosse de fer et d’acier de 222 mètres de long qu’on considère comme pratiquement invincible. Pourtant, il sombrera soudainement un soir d’automne, en pleine tempête, entraînant vers le fond son équipage de 29 personnes. Il était dirigé par un capitaine très expérimenté.
Cette tragédie touche encore aujourd’hui beaucoup de Canadiens, à qui on raconte l’histoire de père en fils.
Une des très grandes chansons du répertoire canadien-anglais, The Wreck of the Edmund Fitzgerald (L’épave de l’Edmund Fitzgerald), immortalisera le naufrage. Elle a été composée par Gordon Lightfoot, un des chanteurs canadiens les plus célèbres.
Le 10 novembre 1975, le SS Edmund Fitzgerald est en route vers la ville américaine de Detroit, au Michigan. Il a à son bord une cargaison d’un peu plus de 26 000 tonnes de minerai de fer. Un deuxième cargo géant, l’Arthur M. Anderson, le suit à quelques kilomètres.
Ils traversent le lac Supérieur lorsqu’éclate une féroce tempête d’hiver (qui sera d’ailleurs considérée comme un des phénomènes météorologiques les plus importants du XXe siècle en Amérique du Nord). Les navires affrontent bientôt des vagues de plus de 7 mètres et des vents de 125 kilomètres à l’heure. Pour éviter d’être pris dans la tourmente, ils modifient leur trajet et cherchent un abri à proximité de la côte canadienne.
L’épave de l’Edmund Fitzgerald est repérée deux semaines plus tard, brisée en deux grandes sections enfoncées dans la boue sous 160 mètres d’eau. La cause exacte du naufrage n’a jamais été déterminée.
On a proposé plusieurs théories pour l’expliquer: vague scélérate (rogue wave), échouage partiel sur un banc de boue qui aurait fracassé les cales… L’hypothèse la plus probable est la suivante: des panneaux de cale mal fermés auraient progressivement laissé entrer l’eau des vagues géantes, jusqu’au moment où le bateau s’est rompu.
Chanson de Gordon Lightfoot et images du naufrage du navire Edmund Fitzgerald
La fin de l’Edmund Fitzgerald
Voguer à l’aventure sur les Grands Lacs du Canada (en anglais)
Chargement de marchandises sur un laquier des Grands Lacs
L’Ocean Ranger est la plus grande plateforme semi-submersible de forage pétrolier en haute mer. À l’époque de la tragédie, elle creuse un puits dans les Grands Bancs, à 267 kilomètres à l’est de la capitale de Terre-Neuve, St. John’s, pour le compte de la compagnie Mobil.
La nuit du 15 février 1982, une terrible tempête se lève. Des vents de 145 kilomètres à l’heure soufflent au milieu de vagues de 18 mètres de haut. Les 84 membres de l’équipage vont périr sous les flots.
Le naufrage de la plateforme est attribuable à une trombe d’eau de mer qui, projetée dans la salle de commande des ballasts par un petit hublot cassé, a provoqué une panne électrique. Les ballasts ne fonctionnant plus, la plateforme a perdu sa stabilité.
Sans maîtrise des ballasts, dans une mer déchainée, la plateforme s’est renversée en quelques instants. La fin a été rapide.
Cette tragédie a donc été causée par l’enchaînement de petits événements sans gravité en soi. En l’absence d’interventions adéquates, leurs effets conjugués ont vite pris une ampleur catastrophique.
À la suite du drame, on a apporté, partout sur la planète, de profondes modifications à la réglementation relative aux méthodes et aux procédures de formation et de sécurité en mer.
Au moins six mois par année, les centres d’opérations de déglaçage de la Garde côtière canadienne dépêchent des brise-glace et guident les navires qui se trouvent dans les eaux gelées.
En hiver, les conditions climatiques rigoureuses qui sévissent à la surface des trois océans bordant le Canada (Atlantique, Arctique et Pacifique) posent de rudes défis aux navires, qui doivent aussi parfois repérer puis contourner des icebergs potentiellement meurtriers.
Au début de l’hiver, l’océan Atlantique est particulièrement turbulent. Les glaces de deux mètres d’épaisseur et les crêtes d’eau de six mètres sont très fréquentes dans les eaux du nord-est de la côte canadienne, depuis Terre-Neuve jusqu’au golfe du Saint-Laurent.
La navigation dans le Saint-Laurent comporte des dangers particuliers en hiver, saison où de grandes plaques de glace consolidée se détachent des rives du fleuve. Elles présentent un danger pour les navires, en plus de causer des embâcles propices aux inondations.
Le Canada possède le plus long littoral du monde (environ 244 000 kilomètres), mais c’est le long de la côte Est, sur une bande de quelques milliers de kilomètres de littoral, qu’on trouve l’essentiel des services de secours de la Garde côtière canadienne.
En 1985, l’envoi sans autorisation d’un brise-glace américain dans le passage du Nord-Ouest ramène au premier plan la question de la souveraineté du Canada dans l’Arctique.
Trois pays, dont le Canada, sont connus pour leurs brise-glace. La Norvège possède la flotte la plus moderne. Quant à la Russie, elle dispose de la flotte la plus puissante; en général, ses brise-glace peuvent passer au travers de glaces plus épaisses que ne le peuvent les brise-glace canadiens.
Le Canada exploite environ le cinquième des brise-glace qui existent dans le monde: 14 appartiennent à la Garde côtière canadienne (GCC), et 2, à des sociétés minières ou pétrolières. Les brise-glace de la GCC sont ainsi classés: lourds (2), moyens (5) et légers (7).
Le brise-glace le plus puissant du Canada est le Louis S. St-Laurent. D’une capacité de 14 000 tonnes, il est un peu plus petit que les 4 grands brise-glace nucléaires russes en service.
En général, les brise-glace lourds de la GCC naviguent dans les eaux du sud en hiver et dans l’Arctique en été. Bien que le Louis S. St-Laurent se soit déjà rendu dans la baie d’Hudson en décembre, aucun brise-glace en service au Canada n’est en mesure de pénétrer dans les eaux de l’Arctique durant l’hiver rigoureux qui dure de novembre à mai.
Les brise-glace de la GCC sont conçus en fonction de besoins particuliers: faciliter le transport sur les lacs, en mer et aux embouchures des rivières; garder ouverts les canaux composant la Voie maritime du Saint-Laurent; favoriser l’approvisionnement de l’Arctique et ses activités de développement économique.
Depuis les années 1990, l’inquiétude croissante suscitée par la fonte rapide de la calotte polaire et les débats entourant la souveraineté de l’Arctique attirent l’attention sur l’absence de moyens de transport adéquats dans la région.
Comme les brise-glace se trouvent au cœur de la nouvelle stratégie de développement du Grand Nord canadien, la flotte de la Garde côtière canadienne est en pleine mutation. Les navires plus petits ou vieillissants seront remplacés au cours des prochaines années par des modèles plus puissants et au rayon d’action plus grand.
Le NGCC Louis S. St-Laurent, le brise-glace le plus grand et le plus efficace de la Garde côtière canadienne
Depuis son inauguration, il joue un rôle majeur dans la dynamisation des sciences de l’Arctique au Canada. Il est devenu la plateforme mobile des chercheurs canadiens et de leurs collaborateurs étrangers, car il est doté d’infrastructures de recherche et d’équipements scientifiques qui leur donnent un accès sans précédent à l’océan Arctique.
Le NGCC Amundsen est le premier brise-glace de recherche qui a la capacité de mener des expéditions hivernales dans l’Arctique.
Depuis les années 1970, le Canada est un pionnier dans l’utilisation d’aéroglisseurs agissant comme brise-glace sur les rivières.
Pour casser la glace, ces véhicules à coussin d’air conçus par des Canadiens adoptent une vitesse qui leur permet de former et de pousser vers l’avant une vague comparable à celle que produisent les embarcations classiques lorsqu’elles avancent rapidement sur l’eau.
La couverture de glace étant rigide, cette vague, introduite sous la glace, oblige la surface de celle-ci à se briser.
En conservant une bonne vitesse, le pilote est en mesure de maintenir cette vague sous la glace sur une distance de plusieurs kilomètres.
Vu la vulnérabilité de leurs coussins, ou jupes, les aéroglisseurs casseurs de glace peuvent seulement être utilisés sur certains types de surfaces gelées.
On emploie principalement ces véhicules à coussin d’air au cours des débâcles printanières, afin de prévenir les inondations et de réduire les possibilités d’embâcle.
Entre 1876 et 1899, le Canada construit trois petits traversiers de type brise-glace. Ils sont mis en service dans la zone de quelques kilomètres qui sépare le Canada continental d’une de ses nouvelles provinces: l’Île-du-Prince-Édouard.
Vers 1900, les premiers véritables brise-glace du Canada sortent des chantiers navals. Ce sont le Champlain, puis le Montcalm. Leurs noms évoquent le patrimoine français du Canada, car c’est surtout au Québec qu’on y a recours. Dans les passages les plus étroits du Saint-Laurent, leur mission est de briser les murs de glace et les embâcles qui, à l’époque, causent des inondations chaque année.
Durant les années 1920, on utilise pour la première fois des brise-glace dans l’Arctique canadien. Leur tâche est d’approvisionner les autochtones et les communautés isolées en biens et en services durant la courte saison estivale. Le Canada s’en sert également pour documenter et rendre crédible ses revendications de souveraineté sur le passage du Nord-Ouest et l’archipel arctique.
Au cours de la décennie suivante, on ouvre le port nordique de Churchill pour pouvoir expédier des céréales dans la région. On y envoie aussi des brise-glace, afin de retarder le plus possible l’étranglement du territoire par les glaces.
Brise-glace canadien de recherche arctique. Université Laval
Toute la planète rêve d’un corridor navigable qui franchirait l’Arctique. En raison de la fonte des glaces, le passage du Nord-Ouest pourrait devenir, dans un avenir relativement rapproché, une route plus économique que le canal de Panama, par exemple.
À l’heure actuelle, les cargos géants de l’Est asiatique ont de la difficulté à livrer leurs marchandises sur la côte Est de l’Amérique du Nord. On doit les décharger sur la côte Ouest, puis transporter les marchandises par train ou par camion, ou encore, parcourir de grandes distances dans les océans Indien et Atlantique pour parvenir jusqu’à la côte Est.
Le passage du Nord-Ouest retranche 7000 kilomètres au trajet, sans qu’on ait à transférer les marchandises d’un moyen de transport à un autre.
Pour le moment, le passage du Nord-Ouest est encore une route maritime peu praticable. Longue de plusieurs centaines de kilomètres, elle est composée de sept chenaux constellés de centaines d’îles canadiennes.
Les chercheurs du ministère des Transports du Canada estiment que, malgré la fonte des glaces, les conditions sont trop imprévisibles pour permettre une activité commerciale régulière le long du passage du Nord-Ouest.
D’autres scientifiques, qui travaillent pour Environnement Canada, estiment que la complexité des courants océaniques, la présence de grandes étendues de glace de rive (attachée à la terre ferme) et l’extrême variabilité des conditions de la glace d’une année à une autre rendent le passage du Nord-Ouest moins attrayant, à court terme, que les routes traditionnelles. Il existe encore très peu d’installations portuaires dans l’Arctique canadien.
Entre 1906 et 2008, une centaine de navires ont emprunté le passage du Nord-Ouest. En 2017, en une seule année, 23, en majorité des bateaux de plaisance, ont effectué la traversée qui intéresse de plus en plus de pays. Les navires marchands transitant entre l’Europe et l’Asie auraient 7000 kilomètres de moins à faire avec ce passage. Cela dit, le secteur touristique des croisières se prépare à investir la région.
En effet, les compagnies de croisières canadiennes sont un peu plus actives dans le Grand Nord. Tout comme celles qui offrent des voyages d’agrément le long des côtes de l’Alaska, elles emploient d’anciens brise-glace russes ou construisent des paquebots à coque renforcée pour exploiter le potentiel touristique du mythique passage du Nord-Ouest.
Les plus grandes sociétés de traversiers sont Sealink (Europe), la Danish State Rail, la Washington State Ferries et, au Canada, la British Columbia Ferry Corporation. Il y a de l’argent à faire pour elles au Canada car, ici, sept millions de personnes, soit plus de 20 % de la population, vivent dans des régions côtières où les traversiers sont incontournables.
Au cours des 35 dernières années, les ponts ont souvent pris la place des traversiers. Toutefois, il existe au Canada deux grands services de traversiers qui naviguent en eaux salées et qu’on ne pourra remplacer dans un avenir prévisible.
D’abord, la société d’État BC Ferry Corporation offre des trajets le long du Pacifique. Elle possède, en Colombie-Britannique, 35 traversiers avec une capacité de 27 000 places pouvant accueillir au total 22 millions de passagers annuellement, et elle dessert 47 circuits le long de la côte. Les points de chute qu’elle exploite sont parmi les plus achalandés du monde.
L’entreprise possède en outre les quatre plus gros traversiers à double propulsion (amphidromes). Chacun peut transporter 1500 passagers et 360 automobiles, répartis sur 3 ponts. L’expression «double propulsion» renvoie au fait que les hélices fixées à la poupe et à la proue des bateaux évitent de devoir faire pivoter ceux-ci à chaque accostage.
La société d’État Marine Atlantique S.C.C. exploite quant à elle 18 bateaux sur des parcours maritimes entre Terre-Neuve, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’État américain du Maine. C’est elle qui possède la flotte la plus diversifiée.
Certains de ses traversiers, plus rapides, ne font que 30 mètres. Ses transbordeurs de 148 mètres peuvent transporter l’équivalent de 39 wagons de train de marchandises. Il existe quelques traversiers géants qui accueillent jusqu’à 1100 passagers et leurs véhicules (automobiles, camions et camions gros porteurs). Certains navires desservent une quinzaine de petites gares maritimes le long de la côte. D’autres font la navette entre 100 petits ports de Terre-Neuve-et-Labrador, qui, dans certains cas, n’ont aucun autre lien avec le monde extérieur.
Les plus grands traversiers de notre époque utilisent le système de roulage, qui permet de charger et de décharger les véhicules en un temps beaucoup plus court, par les portes arrière et les portes d’étrave.
Bien que les Scandinaves prétendent en être les inventeurs, le premier traversier conçu selon le principe du roulage est le Motor Princess, du Canadien Pacifique, lancé en 1923 à Esquimalt, en Colombie-Britannique.
Ce bateau terminera sa longue carrière avec la British Columbia Ferry Corporation dans les années 1970, sous le nom de Pender Queen.
Après la Première Guerre mondiale, les Canadiens constatent à leur grande surprise qu’ils possèdent le voilier le plus rapide de la planète. Il s’agit du Blue Nose (Nez bleu).
En 1920, après une saison de pêche à la morue sur les Grands Bancs de Terre-Neuve, une goélette néo-écossaise devient célèbre lorsqu’elle remporte une course hors-saison entre les pêcheurs des Maritimes et ceux de la Nouvelle-Angleterre, aux États-Unis. Durant les 17 années suivantes, aucun bateau ne parviendra à devancer le Blue Nose.
Par la suite, le célèbre voilier figure dans diverses rencontres internationales. Ainsi, il représente le Canada lors de l’Exposition universelle de Chicago, en 1933. Deux ans plus tard, il part pour l’Angleterre, où il représente le Canada au jubilé d’argent du roi George V. Il marque tellement son époque que le gouvernement canadien émet un timbre en son honneur en 1929. Ce timbre, un classique, réémis en 1982 et en 1999, le montre toutes voiles dehors.
Les goélettes de pêche deviennent obsolètes durant la Seconde Guerre mondiale et, en 1942, le Blue Nose est converti en transporteur de marchandises aux Caraïbes. Après s’être échoué sur un récif de corail, il coule en 1946 près d’Haïti.
Tous les Canadiens connaissent le Blue Nose, car il figure sur la pièce de monnaie de 10 cents depuis 1937.
On le remarque aussi sur les plaques d’immatriculation de la Nouvelle-Écosse. Aujourd’hui, on peut voir une réplique parfaite du fameux voilier, le Blue Nose II. Chaque été, il se rend dans plusieurs ports du pays et ravive la fierté des Canadiens qui, pendant 17 ans, ont possédé le bateau à voile le plus rapide du monde.
Le Bluenose II – Le célèbre grand voilier de la Nouvelle-Écosse (site de la Nouvelle-Écosse)
Le port de Halifax – reportage en anglais