L’Association des francophones du Nunavut dans le Grand Nord canadien célèbre ses 40 ans
Les Franco-Nunavois disposent entre autres d’une école, d’une garderie, d’une troupe de théâtre, d’une radio et d’un journal communautaires. Ces acquis, fruit de chaudes luttes menées par des bénévoles, font la fierté de l’Association des francophones du Nunavut (AFN), quatre décennies après sa création.
L’organisme a vu le jour en 1981 après qu’une poignée de francophones amateurs de hockey eurent manifesté leur volonté de retransmettre les parties du Canadien de Montréal diffusées à la télévision de Radio-Canada.
« À force de trafiquer toute sorte d’équipements qui traînaient un peu partout à Iqaluit, on est arrivés à installer un émetteur et à avoir la radio en français de façon continue », se souvient Jacques Belleau, qui a habité au territoire de 1977 à 2007 et qui a vu naître l’Association des francophones de Frobisher Bay, l’ancêtre de l’AFN.
Ce désir d’avoir accès à de l’information en français s’est d’ailleurs matérialisé à plusieurs reprises au fil des décennies. Pendant plusieurs années, l’organisme a eu accès au signal de la radio montréalaise CITE-FM, aujourd’hui mieux connue sous le nom de 107,3 Rouge, et faisait venir par avion l’édition du samedi du quotidien La Presse.
De fait, la création de la radio communautaire CFRT, en 1994, est l’aboutissement d’un rêve de longue date pour la communauté francophone. Jacques Belleau croit d’ailleurs qu’elle a marqué un tournant important dans l’histoire de l’Association : Ça donnait la possibilité à la communauté de se voir dans ce qu’il se passait à la radio.
Lieu de rencontre
Gilles Turmel a été le dernier président de l’Association des francophones de Frobisher Bay avant que le nom de l’organisme ne s’harmonise avec celui de la ville, renommée Iqaluit, en 1987.
Durant ses trois ans à Iqaluit, il a eu le temps de donner pignon sur rue à l’organisme en fondant un centre communautaire francophone (aujourd’hui le Franco-Centre). « Ça a été mon cheval de bataille. On s’était dit qu’il serait important pour les francophones d’avoir un lieu de rencontre », explique-t-il, joint par téléphone dans sa résidence de Prévost, au Québec.
Il raconte que des employés francophones de Bell Canada ont même mis la main à la pâte pour rénover le bâtiment durant une grève.
À l’époque, la présence francophone était due principalement à Bell Canada, à la Banque de Montréal et au transporteur aérien Nordair, pour lesquels travaillaient bon nombre de Québécois.
Enseignement en français
L’AFN s’est aussi longtemps battue pour l’enseignement en français. En 1988, l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest a donné aux francophones l’espoir d’y parvenir.
Peu de temps après, l’AFN met sur pied une garderie trilingue dans son centre communautaire.
« C’était une garderie multiculturelle parce qu’on s’était donné la vocation qu’il y aurait toujours sur le plancher des intervenants francophones, anglophones et inuit pour s’assurer de renforcer les liens entre les trois communautés à Iqaluit », affirme Daniel Cuerrier, qui a œuvré pendant une vingtaine d’années à l’AFN, notamment comme directeur de 1999 à 2009.
Daniel Cuerrier fait aujourd’hui partie des rares anciens de l’AFN qui résident toujours à Iqaluit. Ce passionné des langues est maintenant interprète-traducteur et directeur du Bureau de la traduction pour le gouvernement du Nunavut.
Il raconte que le projet de garderie multiculturelle a été rendu possible grâce au dévouement d’une poignée de bénévoles. « Chaque vendredi soir, on désinstallait la garderie pour pouvoir accueillir les activités qui avaient lieu dans le centre communautaire, dit-il. Le dimanche soir, on réinstallait tout pour que, lundi matin, quand les enfants rentraient, la garderie soit […] prête à opérer. »
En 1993-1994, la création d’un programme de français-langue maternelle de la première à la sixième année est une victoire importante pour les francophones d’Iqaluit.
Il souligne également « l’impact extrêmement positif » sur l’association francophone de la création du Nunavut, le 1er avril 1999. « On avait une députation qui était très ouverte à la diversité et […] à ce que le français puisse avoir une place légitime au Nunavut », assure-t-il.
Des ambitions
Lorsqu’il regarde le chemin parcouru par l’AFN, le président actuel, Goump Djalogue, ne tarit pas d’éloges envers ses prédécesseurs.
« Je pense qu’on peut être fier de leurs accomplissements, dit-il. On peut se réjouir de bénéficier de tous ces acquis. »
Considérant la croissance démographique de la communauté francophone, il affirme qu’il est temps aujourd’hui de « préserver ces acquis » en renforçant l’identité culturelle des Franco-Nunavois.
En 2001, 380 francophones déclaraient le français comme langue maternelle au Nunavut, contre 585 en 2016, selon Statistique Canada. Parmi eux, plusieurs sont nés au territoire.