Inua, un jeu narratif pour réécrire l’histoire en s’inspirant de la culture inuit

Le conte interactif «Inua, a Story in Ice and Time», sorti le 10 février, est une coproduction française entre Arte et les compagnies de production IKO et The Pixel Hunt. Le jeu se déroule dans trois espaces-temps en incorporant des éléments de la culture inuit. (Iko/The Pixel Hunt/Arte France)
Une histoire interactive dans laquelle se chevauchent le réel et la mythologie inuit a récemment fait son apparition sur la scène du jeu vidéo. À la croisée de trois époques, Inua, a Story in Ice and Time, gravite autour de l’expédition arctique de John Franklin, au 19e siècle, mais tente de réécrire l’histoire en mettant de l’avant la culture inuit.

En inuktitut, « inua » fait référence à l’esprit ou à l’âme qui vibre dans chaque personne, mais aussi dans les animaux et dans l’environnement, comme dans les rivières et les montagnes.

Par l’entremise des personnages principaux – Simon, Peter et Taïna – l’histoire interactive permet aux joueurs de naviguer dans trois espaces-temps.

« C’est presque comme si vous regardiez un film, mais vous pouvez intervenir et vous pouvez choisir ce que font les personnages », décrit Billy Gauthier, l’un des consultants inuit qui ont travaillé avec l’équipe de production.

Ce sculpteur et activiste inuk originaire du Nunatsiavut, dans le nord du Labrador, raconte avoir aiguillé les concepteurs sur différents aspects de la culture inuit, de l’environnement et de la spiritualité.

« [Les créateurs] voulaient s’assurer que c’était authentique et qu’ils ne faisaient pas de faux pas qui pourraient être perçus comme de l’appropriation culturelle », dit-il.

Billy Gauthier réside à Northwest River, dans le centre du Labrador. (Billy Gauthier)

Thomassie Mangiok, originaire d’Ivujivik, au Nunavik, a lui aussi donné sa perspective culturelle en rédigeant notamment un conte sur « nanurluk », un gigantesque ours polaire qui est aussi une figure importante de la mythologie inuit.

Il insiste sur la nécessité de faire connaître ces contes aux Inuit, mais aussi au grand public : « Nos histoires, nos perspectives et notre philosophie s’amenuisent, alors il est très important […] de les partager. »

Parmi les autres collaborateurs inuit qui ont été sollicités figure aussi la chanteuse Tanya Tagaq, qui a composé cinq pièces pour accompagner le récit.

Thomassie Mangiok a aussi effectué la traduction de dialogues en inuktitut entre les personnages de l’histoire interactive. (Thomassie Mangiok)
« Raconter une rencontre » en tournant le dos au colonialisme

Lorsqu’ils ont commencé à élaborer ce projet, il y a cinq ans, les producteurs français Florent Maurin et Igal Kohen, qui sont respectivement les fondateurs des studios de production The Pixel Hunt et IKO, ont rapidement pris conscience de leur perspective occidentale sur « un territoire étranger ».

« On s’est rendu compte qu’on avait tout à apprendre », souligne Florent Maurin.

On a essayé de ne pas faire, dans la production d’Inua, l’erreur que font nos personnages dans le jeu.Florent Maurin, producteur et fondateur, The Pixel Hunt

« La façon dont les personnages arrivent dans ces territoires, en se mettant dans une position d’une certaine supériorité, d’avoir l’impression d’avoir tout compris, qu’ils sont des élus […] sur un territoire que, quelques semaines auparavant, ils ne connaissaient pas, c’est un peu, en filigrane, quelque chose qu’on critique. »

Dirigée par le capitaine John Franklin, l’expédition visait à accomplir la première traversée du passage du Nord-Ouest et à explorer l’Arctique canadien.

En 1845, après avoir parcouru une partie de la baie de Baffin, dans le nord-est du Nunavut, les navires britanniques HMS Erebus et HMS Terror se sont lancés dans le détroit de Lancaster, avant de disparaître.

« Le but n’était pas de faire vivre aux joueurs une expérience inuit, mais plutôt de pouvoir raconter l’idée de cette prétention occidentale […] d’un sentiment de supériorité qui découle d’un esprit colonialiste », complète le producteur et fondateur d’IKO, Igal Kohen.

L’idée, dit-il, était surtout de « raconter une rencontre » entre le monde occidental et celui des Inuit.

Le jeu a été traduit en six langues, dont le portugais, l’allemand et l’espagnol. Certains des dialogues des personnages sont en inuktitut, mais les créateurs souhaitaient un jour faire traduire la totalité du jeu dans ce dialecte de la langue inuit. (Iko/The Pixel Hunt/Arte France)

Florent Maurin et Igal Kohen sont aussi de l’avis que le sujet du jeu narratif élargit la vision qui est souvent associée aux jeux vidéo. Initialement, leur projet devait plutôt prendre la forme d’un film.

« Les projets ambitieux d’un point de vue culturel sont plus faciles à financer en films, par exemple, voir en séries [télévisées] et plus compliqués en jeux vidéo parce qu’[ils] ont plus une logique [de] rentabilité pour laquelle on ne cochait pas énormément de cases », affirme Florent Maurin.

Il espère que leur projet puisse, d’une certaine manière, donner de « l’élasticité » à la vision souvent restreinte des jeux vidéo qu’en a le grand public.

Matisse Harvey, Radio-Canada

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