Le recul des glaces en mer de Béring met en péril l’écosystème et la pêche 

The number of recorded vessels making the voyage through the Bering Strait between Alaska and Russia has nearly doubled over a four-year period, with 130 in 2009 and 250 in 2012. (Loren Holmes / Alaska Dispatch )
Le détroit de Béring (Loren Holmes / Alaska Dispatch )
La tendance des 40 dernières années montre que la glace est de moins en moins étendue sur la mer de Béring. Cela contribue à réduire la présence de beaucoup d’espèces de poissons, mollusques et crustacés propres à cette zone, dont plusieurs sont prisées par l’industrie de la pêche, rapportent des chercheurs.

Les interactions entre les courants, les glaces, les reliefs des fonds marins et la météo font de cette mer, située entre l’Alaska et l’est de la Russie, un écosystème très riche. Le saumon, le flétan, la morue et des crustacés comme le crabe des neiges y sont présents en abondance et alimentent une industrie halieutique dont dépendent les populations locales, notamment en Alaska. Or, l’équilibre est en train de changer et la situation ne risque pas de s’améliorer avec le réchauffement climatique.

Les scientifiques de la Naval Postgraduate School, en Californie, ont analysé les données de l’étendue des glaces chaque année sur la mer de Béring.

Ils les ont comparées aux données recueillies concernant la formation, chaque année, d’une couche d’eau dense et froide en profondeur dans cette partie nord du Pacifique, ce qu’ils appellent le « bassin froid » ou « cold pool », en anglais, et qui est cruciale à la survie de nombreuses espèces.

Le tout leur a permis de construire un modèle informatique pour prédire les interactions entre glace de surface et eaux froides en profondeur chaque année. Ils ont noté une forte corrélation entre la présence des deux.

De l’importance de la glace de surface

Jaclyn Kinney et son équipe expliquent dans un communiqué que la glace qui se forme chaque hiver sur l’océan produit une eau plus concentrée en sel sous la surface qui migre progressivement vers le fond océanique au fur et à mesure que la saison avance. Cela crée un bassin d’eau froide et dense en profondeur qui demeure présent plusieurs semaines après la fonte des glaces de mer au printemps. 

Lorsque les beaux jours sont de retour, la fonte des glaces en surface crée une différence de température et de salinité par rapport à la couche dense et froide en profondeur. Ainsi le phytoplancton peut proliférer rapidement dans les couches superficielles. Une grande partie du phytoplancton sombre plus tard vers les fonds marins où il alimente de nombreuses espèces marines et contribue à la biodiversité océanique.

Si peu ou pas de glace se forme en surface à l’hiver, la couche froide et dense au fond n’a alors pas la même ampleur. De plus, le phytoplancton prolifère beaucoup plus tardivement au printemps, expliquent les chercheurs. Cela favorise le développement du zooplancton et des espèces de poissons de surface (pélagiques), au détriment de celles vivant en profondeur. En effet, lors de ces années où la glace est absente, beaucoup moins de phytoplancton et de nutriments atteignent les eaux profondes à la saison chaude, soulignent-ils.

Cela met en péril des espèces des profondeurs comme le crabe des neiges, disent les chercheurs, car ils dépendent de l’équilibre actuel entre glace de surface et eaux froides et denses tout au fond.

Cette illustration montre l’étendue de la glace au mois d’avril chaque année en mer de Béring. Après un hiver en 2012 où l’étendue de glace a connu un pic, la deuxième partie des années 2010 a vu un recul de la glace, dont un creux en 2018. (NOAA)

Les chercheurs ont trouvé qu’à l’été 2018, le « bassin froid » ne représentait que 31 % de sa moyenne de 1980 à 2018. Cette année, l’étendue des glaces avait connu un creux par rapport à la moyenne. Ce phénomène s’est répété en 2019 et en 2020, deux années qui ont également connu des températures inhabituellement élevées, résultant en moins de glace de mer. Puis, en 2021, la population de crabes s’est effondrée, probablement en raison d’une réduction de leur habitat préféré, croient les scientifiques.

Ils prévoient que cette espèce subarctique, comme bien d’autres, migrera vers le nord, dans la mer des Tchouktches (au nord du détroit de Béring), avec le réchauffement climatique.

Les espèces de la mer de Béring seront remplacées par d’autres espèces originaires de régions plus au sud dans le Pacifique, avancent-ils.

Selon les chercheurs, dont les travaux sont parus dans la revue PLOS ONE, il est important de prédire les tendances futures dans la mer de Béring, tant pour les conséquences sur la biodiversité que pour l’avenir de l’industrie de la pêche.

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