L’entente entre Ottawa et les Autochtones sur la protection de l’enfance rejetée

Un tribunal a rejeté mardi l’entente conclue entre Ottawa et les Autochtones au sujet de la réforme du système de protection de l’enfance des Premières Nations. (Nantou Soumahoro/Radio-Canada)
Le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) remet en question l’entente de principe portant sur le versement de milliards de dollars pour réformer le système de protection de l’enfance des Premières Nations et indemniser les enfants qui en ont été victimes.

L’entente, pourtant qualifiée d’historique par le gouvernement fédéral, prévoit 20 milliards de dollars qui serviront à améliorer le système de protection de l’enfance dans les communautés autochtones et 20 milliards en indemnisations pour les enfants autochtones qui ont été retirés de leur foyer.

Les enfants autochtones en question sont ceux qui ont été retirés de leurs familles et de leurs communautés pour être placés « dans leur famille élargie ».

Trop peu de temps

Le TCDP a toutefois estimé dans le résumé de sa décision que l’accord ne répondait pas aux critères requis, puisqu’il excluait certains enfants et ne garantissait pas l’indemnisation de 40 000 $ par enfant et par personne.

Il précise que les enfants des Premières Nations retirés de leur foyer et placés dans des environnements non financés par le gouvernement fédéral sont exclus de l’accord de règlement final, de même que les successions des parents et grands-parents aidants décédés.

Le tribunal a aussi remis en cause le court délai accordé aux victimes pour se retirer de l’accord de règlement final. En vertu de cet accord, les demandeurs ont jusqu’en février 2023 pour se retirer de l’indemnisation et intenter eux-mêmes une action en justice. S’ils ne le font pas, ils ne pourront pas intenter leur propre action en justice.

Une décision « dévastatrice »

Le tribunal, qui publiera sa décision complète à une date ultérieure, demande par conséquent aux parties de poursuivre leurs négociations. Mais le projet du gouvernement fédéral de mettre au point l’accord d’ici la fin de l’année est donc en train de dérailler, à moins qu’Ottawa ne réponde aux préoccupations soulevées par la cour.

Pour la cheffe régionale de l’Assemblée des Premières Nations au Manitoba, Cindy Woodhouse, cette décision est « dévastatrice ». Des ministres fédéraux ont également exprimé leur déception. « Je pense que le Tribunal canadien des droits de la personne n’a pas réalisé les conséquences importantes qu’elle aura », a-t-elle dit.

Cette décision est très dévastatrice pour beaucoup de gens aujourd’hui, surtout pour les Premières Nations et pour les Canadiens qui veulent voir un meilleur système.Cindy Woodhouse, cheffe régionale de l'Assemblée des Premières Nations au Manitoba

D’après Mme Woodhouse, plus de 300 000 familles espéraient voir l’entente être approuvée d’ici la fin de l’année.

« Je ne sais pas quand la compensation sera versée à ces enfants et ces familles, ou même si elle le sera un jour, à ce stade. Nous sommes passés si près d’une indemnisation qui parviendrait enfin à notre peuple, mais la décision d’aujourd’hui est un recul considérable », a-t-elle dit, avec déception.

Le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, a expliqué qu’il allait réviser et analyser le jugement afin que les enfants soient « indemnisés à leur juste valeur ».

De son côté, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti, a rappelé que le processus avait été piloté en collaboration avec plusieurs organisations autochtones, notamment l’Assemblée des Premières Nations (APN).

« On va retourner travailler avec nos partenaires et voir comment nous pouvons avancer », a-t-il affirmé, ajoutant que la prochaine étape pour Ottawa sera d’attendre que le tribunal rende sa décision.

La cheffe nationale de l’APN, RoseAnne Archibald (archives) (Darryl Dyck/La Presse canadienne)

Patty Hajdu, ministre des Services aux Autochtones, a souligné qu’il y a deux volets à l’entente, celui de la compensation financière et celui de la réforme du système, qui est, selon elle, tout aussi importante pour « mettre fin à la discrimination systémique ».

Il faut s’assurer que les enfants puissent vivre parmi les leurs quand il est question de foyers d’accueil.Patty Hajdu, ministre des Services aux Autochtones

L’APN a pris acte du jugement du tribunal. Dans un communiqué de presse publié sur les réseaux sociaux, l’organisation pancanadienne qui représente l’ensemble des Premières Nations du pays a déclaré qu’elle entamera dans les prochains jours des discussions avec le gouvernement afin que ce dernier réponde aux recommandations du TCDP ou envisage d’autres recours juridiques.

« L’APN s’engage à continuer de lutter pour que les enfants et les familles des Premières Nations qui ont été victimes de la profonde discrimination constatée par le tribunal reçoivent une indemnisation. »

Notons qu’en 2016, le TCDP avait statué que le gouvernement fédéral avait discriminé les enfants des Premières Nations pendant des années en ne finançant pas adéquatement les services à l’enfance dans les communautés autochtones. Trois ans plus tard, il obligeait Ottawa à dédommager les enfants concernés et leurs familles en versant l’indemnité maximale, soit 40 000 $ par enfant.

En janvier, Ottawa annonçait avoir conclu un accord de 40 milliards de dollars avec l’APN pour régler deux recours collectifs. Le gouvernement a déclaré que cet accord respectait les conditions de la décision du TCDP qui s’était penché sur le système de protection de l’enfance dans les communautés.

Or, en septembre dernier, le tribunal avait déjà remis en question certains aspects de l’entente.

Avec les informations de CBC et de La Presse canadienne

Radio-Canada

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