Enquête pour fraude demandée entourant l’identité inuit présumée de deux Ontariennes

Photo d’Amira et de Nadya Gill provenant d’un article publié par New Canadian Media, sur leur entreprise Kanata Trade Co. (New Canadian Media)
Deux organisations représentant les intérêts des Inuit du Nunavut affirment avoir demandé à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) d’ouvrir une enquête sur une possible fraude après que deux sœurs ontariennes ont été retirées de la Liste d’inscription des Inuit.

Nunavut Tunngavik Inc. (NTI) et la Qikiqtani Inuit Association (QIA) réagissent ainsi aux questions soulevées par un reportage de la chaîne APTN (en anglais) sur la véracité de l’identité inuit présumée des sœurs jumelles Amira et Nadya Gill.

NTI, qui gère l’inscription des Inuit en vertu de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, a affirmé, jeudi, par voie de communiqué, avoir retiré les noms des deux femmes de 24 ans qui n’ont pas fourni les preuves de leur filiation inuit récemment demandées par l’organisme.

NTI a confirmé à CBC/Radio-Canada qu’aucune, toutefois, n’avait reçu de financement de sa part.

Selon l’organisme, les soeurs ont été admises à la liste en 2016 suivant la demande de Karima Manji qui affirmait être la mère adoptive des deux adolescentes. La demande identifiait la mère biologique comme étant une Inuk du nom de Kitty Noah.

Malgré de nombreuses tentatives, CBC/Radio-Canada n’a pas été en mesure de joindre Karima Manji ou Amira et Nadya Gill pour obtenir leur version des faits.

La famille Noah sous le choc

À Iqaluit, Noah Noah, le fils de Kitty Noah, a rencontré CBC/Radio-Canada pour une entrevue aux côtés de sa mère, dont il affirme être le tuteur pour des raisons de santé.

Il explique avoir été « renversé » d’apprendre la situation tout comme sa mère. « Elle était tout aussi estomaquée que nous l’étions par le fait d’affirmer qu’elle était leur mère […] Il n’y a aucun lien de parenté. »

Noah Noah, à gauche, avec sa mère Kitty Noah, lors d’une entrevue avec CBC. Noah dit avoir été « renversé » d’apprendre que le nom de sa mère a été utilisé sur la demande d’inscriptions au registre inuit pour des jumelles qui n’ont aucun lien avec eux. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

Noah Noah a affirmé avoir consulté les formulaires d’inscription de NTI avec la signature de Kamira Manji en bas de page et le nom de sa mère à titre de mère biologique. Le même formulaire, daté du 28 février 2016, a également été consulté par CBC/Radio-Canada, mais l’organisme a caché le nom inscrit en tant que mère biologique, citant des questions de confidentialité.

Noah Noah, toutefois, reconnaît le nom de Karima Manji qui, dit-il, a fréquenté son père à Iqaluit dans les années 1990. « Ç’aurait été, je présume, la seule façon pour elle de connaître des noms inuit. »

L’homme a également demandé l’ouverture d’une enquête auprès de la GRC.

Les jumelles se réclamant d’un héritage inuit

Selon le frère des jumelles, Liam Gill, la fratrie a les mêmes parents biologiques, qui, toujours selon lui, ont immigré au Canada. Liam Gill ne s’identifie pas comme Autochtone.

Les jumelles ont prétendu être Inuit lorsqu’elles ont lancé leur entreprise, Kanata Trade Co. Elle se spécialise dans la fabrication de masques ornés d’œuvres d’art autochtones.

Les sœurs ont toutes deux fait des études à l’Université Queen’s, en Ontario.

Amira Gill a étudié en génie civil et a obtenu des bourses destinées aux étudiants autochtones, dont des bourses d’études de l’organisme Indspire, qui soutient financièrement le parcours scolaire d’étudiants autochtones.

Par écrit, Indspire a mentionné être au courant des allégations et attend de voir les résultats de l’enquête de NTI avant d’« agir en conséquence ».

Nadya Gill a fait des études de droit. Son employeur, la firme Durant Barristers, a déclaré à CBC/Radio-Canada qu’elle a été mise en congé le temps de mener une enquête interne. Le bureau d’avocats trouve « totalement inacceptable que quiconque se réclame faussement d’être autochtone et en tire profit ».

Le barreau de l’Ontario est aussi au courant de l’affaire.

Pas encore de réponse de la part des jumelles

Dans son communiqué jeudi, Nunavut Tunngavik Inc. et l’Association Qikiqtani Inuit disent avoir demandé aux jumelles de fournir des preuves de leurs liens biologiques avec un parent inuit, mais n’ont pas encore reçu de réponse.

Selon les deux organismes, Karima Manji aurait fait une autre demande en 2018 auprès de l’Association Qikiqtani Inuit, affirmant avoir été adoptée par deux parents inuit d’Iqaluit. Cette demande, dont CBC/Radio-Canada a obtenu copie, a été rejetée. NTI a un processus d’inscription « robuste », selon les deux organismes.

L’un des anciens présidents de Nunavut Tunngavik Inc., Paul Quassa, dit que le processus pour déterminer qui peut et ne peut pas être inscrit est clair. L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut « est constitutionnel, protégé et sous la loi constitutionnelle», dit-il. « S’il y a de la fraude ou des actes répréhensibles qui sont commis dans le cadre de l’accord, il est normal qu’il y ait enquête. »

Pour l’avocate et défenseure des droits des autochtones Jean Teillet, citée dans un article de La Presse canadienne, les revendications frauduleuses d’héritage autochtone sont préjudiciables parce qu’elles privent les personnes qui sont réellement autochtones et peuvent susciter la méfiance à l’égard de l’identité autochtone.

Avec les informations de Kate Kyle, Juanita Taylor, Teresa Qiatsuq et La Presse canadienne

Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur le Canada, visitez le site de Radio-Canada.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *