Des microbes capables de digérer le plastique à basse température découverts dans l’Arctique

Les scientifiques ont échantillonné 19 souches de bactéries et 15 souches de champignons dans plusieurs lieux, notamment dans l’archipel norvégien du Svalbard. (Ny-Ålesund/Riccardo Selvatico/CNR/Ice Memory Foundation)
Des scientifiques de l’Institut fédéral suisse WSL ont découvert dans les régions polaires, mais aussi en haute altitude dans les Alpes, des micro-organismes adaptés au froid dont les enzymes leur permettent de digérer le plastique à de basses températures.

Les experts expliquent que plusieurs micro-organismes capables de digérer le plastique ont déjà été découverts dans le passé, mais ils ne fonctionnaient généralement qu’à des températures supérieures à 30 degrés Celsius.

Les conclusions des scientifiques, publiées récemment dans la revue Frontiers in Microbiology, indiquent que les cultures microbiennes prélevées dans la « plastisphère » des sols alpins et arctiques sont capables de décomposer des plastiques biodégradables à 15 °C.

« Ces organismes pourraient contribuer à réduire les coûts et la charge environnementale d’un processus de recyclage enzymatique du plastique », croit Joel Rüthi, auteur principal de l’étude et chercheur invité au WSL.

Pour mener à bien ses analyses, l’équipe de scientifiques a échantillonné 19 souches de bactéries et 15 souches de champignons se développant sur du plastique libre ou intentionnellement enterré – conservé dans le sol pendant un an – au Groenland, dans l’archipel norvégien du Svalbard et en Suisse.

Le sol suisse a été collecté au sommet du Muot da Barba Peider (2979 m) et dans la vallée de Val Lavirun, tous deux situés dans le canton des Grisons. En ce qui concerne les déchets de plastique du Svalbard, le document indique qu’ils ont été collectés dans le cadre du Swiss Arctic Project 2018, au cours duquel des étudiants ont effectué des travaux sur le terrain pour constater de visu les effets des changements climatiques.

Des résultats « surprenants »

On apprend dans l’étude que les chercheurs ont laissé les microbes isolés se développer sous forme de cultures à souche unique en laboratoire, dans l’obscurité et à 15°C, et ont utilisé des techniques moléculaires pour les identifier.

Ils ont ensuite utilisé une série de tests pour examiner la capacité de chaque souche à digérer des échantillons stériles de polyéthylène (PE) non biodégradable et de polyester-polyuréthane (PUR) biodégradable, ainsi que deux mélanges biodégradables disponibles dans le commerce, à savoir le polybutylène adipate téréphtalate (PBAT) et l’acide polylactique (PLA).

Aucune des souches n’a été capable de digérer le PE, même après 126 jours d’incubation sur ces plastiques, assure les experts, mais 19 (56 %) des souches, dont 11 champignons et 8 bactéries, ont été capables de digérer le PUR à 15°C, tandis que 14 champignons et 3 bactéries ont été capables de digérer les mélanges de plastiques de PBAT et de PLA.

« Nous avons été très surpris de constater qu’une grande partie des souches testées était capable de dégrader au moins l’un des plastiques testés », indique M. Rüthi, précisant que les meilleurs résultats ont été obtenus par deux espèces fongiques de type Neodevriesia et Lachnellula.

Les résultats ont également montré que la capacité à digérer le plastique dépendait du milieu de culture pour la plupart des souches, chaque souche réagissant différemment à chacun des quatre milieux testés. « Il a été démontré que les microbes produisent une grande variété d’enzymes dégradant les polymères et participant à la décomposition des parois cellulaires des plantes », note le chercheur.

Mais comment la capacité à digérer le plastique a-t-elle évolué, s’interrogent les scientifiques? L’étude rappelle qu’étant donné que les plastiques n’existent que depuis les années 1950, la capacité à les dégrader n’était certainement pas une caractéristique ciblée à l’origine par la sélection naturelle.

« Le prochain grand défi consistera à identifier les enzymes de dégradation du plastique produites par les souches microbiennes et à optimiser le processus pour obtenir de grandes quantités de protéines », conclut M. Rüthi.

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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