Le rapport sur la protection de l’enfance au Nunavut suscite de vives réactions
Colère, tristesse, déception. Les réactions sont nombreuses au lendemain du rapport d’audit de la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, qui dresse un bilan accablant du système de protection de l’enfance et de la jeunesse du Nunavut.
La représentante de l’enfance et de la jeunesse du Nunavut, Jane Bates, ne mâche pas ses mots. « Il y a eu beaucoup d’engagements [de la part du gouvernement], beaucoup de paroles […], mais pas d’actions concrètes. » Elle affirme qu’aucune conclusion du rapport ne l’a prise par surprise, puisqu’elle tente depuis plusieurs années d’alerter le gouvernement territorial sur la précarité de la situation.
Karen Hogan a décrit un système en pleine « crise ». Des enfants sont laissés sans suivi pendant plusieurs mois, des communautés sont dépourvues de travailleurs sociaux, il y a une mauvaise, voire aucune, évaluation des foyers d’accueil avant que des jeunes y soient placés ou encore une mauvaise gestion des dossiers.
Cette gestion est si défaillante que le gouvernement du Nunavut n’a pas été en mesure de fournir au Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) le nombre exact d’enfants et de jeunes se trouvant sous la protection des services à l’enfance au Nunavut, ainsi que dans le sud du pays. «Depuis que j’occupe ce poste, j’ai soulevé plusieurs préoccupations au sujet de la collecte d’informations de base », affirme Jane Bates.
En épluchant le rapport, la députée territoriale de la circonscription Iqaluit-Sinaa, Janet Pitsiulaaq Brewster, a aussi été frappée par cette constatation.
« La première étape que le gouvernement du Nunavut doit absolument suivre est de déterminer combien d’enfants se trouvent sous la protection des services à l’enfance », dit-elle.
Elle ajoute qu’en perdant de vue des jeunes, le gouvernement territorial met leur sécurité en danger. « Ils sont vulnérables et peuvent être victimes d’exploitation », affirme-t-elle.
À l’Assemblée législative, mercredi après-midi, la députée avait les larmes aux yeux lorsqu’elle a fait part de ses préoccupations à la ministre territoriale des Services à la famille, Margaret Nakashuk.
« Je crains vraiment que ces enfants soient en train de souffrir », a-t-elle lancé devant la Chambre.
« Je suis vraiment inquiète pour la sécurité de ces enfants, surtout pour ceux qui se trouvent à l’extérieur du territoire. S’ils ne sont pas suivis, alors où se trouvent-ils? » a-t-elle déclaré.
Manque de substance et de réels engagements
Mardi, le premier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagok, a promis d’adopter une approche pangouvernementale en débloquant des fonds pour venir en aide aux différents ministères concernés par les constatations du rapport, notamment en matière de recrutement de personnel et de logements pour les travailleurs.
Il s’est aussi engagé à ce que le ministère de l’Exécutif et des Affaires intergouvernementales crée un poste qui sera responsable d’effectuer des audits et d’élaborer un cadre de référence sur l’obligation de rendre des comptes en matière de rendement.
La députée Janet Pitsiulaaq Brewster est toutefois déçue de la réponse du gouvernement du Nunavut. « Il n’a donné aucun détail sur ce que sera cette approche pangouvernementale », affirme-t-elle. « La réponse du premier ministre manque de substance et de réels engagements qui vont entraîner des changements. »
Soutien d’Ottawa
La députée fédérale du Nunavut, Lori Idlout, croit quant à elle que le gouvernement territorial ne parviendra pas à résoudre toutes les lacunes systémiques repérées dans le rapport sans le soutien financier d’Ottawa.
Elle compte communiquer avec le premier ministre P.J. Akeeagok pour lui demander quel type d’aide elle doit solliciter auprès d’Ottawa. « Je pense que les gouvernements fédéral et territorial doivent agir immédiatement pour mieux protéger les enfants inuit et autochtones. »
La vérificatrice générale a aussi incité le gouvernement du Nunavut et les organisations inuit à travailler ensemble pour s’attaquer aux lacunes du système. L’organisme Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), qui représente les Inuit du Nunavut, n’a pas répondu à nos multiples demandes d’entrevue.