L’environnement et le coût de la vie préoccupent les électeurs de Nunakput et d’Inuvik

Affiche de bienvenue à Tuktoyaktuk (Radio-Canada/Julie Plourde)

Il y a à peine deux semaines, les communautés côtières de la circonscription de Nunakput ont connu une tempête de vents violents et de vagues d’au moins 6 mètres.

Pour les quelque 1700 résidents de Tuktoyaktuk, Paulatuk, Ulukhaktok et Sachs Harbour, cette tempête est un rappel que le climat peut être rude, dans cette partie du monde.

Depuis quelques décennies, il est aussi de plus en plus imprévisible.

Ryan Yakeleya, rencontré à Tuktoyaktuk à la fin d’octobre, a vécu toute sa vie dans cette communauté, la plus grande de la circonscription. Conseiller de hameau, il a « Tuk » tatouée sur le cœur. « On a l’océan, ici. On a tous les animaux dont on a besoin […] C’est juste un endroit où il fait bon vivre. C’est chez nous. »

« On a vécu beaucoup de changements, mais on s’adapte. Jamais je ne vivrais ailleurs qu’ici », dit-il.

À Tuk, la fonte de la glace de mer, l’augmentation des tempêtes et le dégel du pergélisol ont accéléré l’érosion des côtes, forçant le déplacement des maisons situées en bord de mer. Éventuellement, d’ici 20 ou 30 ans, toute la communauté devra être relocalisée à l’intérieur des terres, selon Ryan Yakeleya.

En cette fin d’octobre, le havre en bordure de Tuktoyaktuk est toujours libre de glace, une anomalie selon M. Yakeleya.

Il espère que les deux candidats qui font campagne dans Nunakput pour succéder au député sortant feront leurs devoirs et écouteront les besoins de Tuk et de toutes les communautés de la circonscription.

Parcourir des centaines de kilomètres pour faire campagne

Pour les deux candidats dans la course, Lucy Kuptana et Vince Teddy, faire campagne dans l’une des circonscriptions les plus éloignées du territoire n’est pas chose simple.

« La circonscription de Nunakput est un défi. On ne fait pas de porte-à-porte comme à Yellowknife ou à Inuvik et [il n’y a pas] de séances de discussions publiques, et tout ça », explique Lucy Kuptana, originaire d’Aklavik, mais qui vit à Tuktoyaktuk depuis de nombreuses années.

Lucy Kuptana est candidate dans la circonscription de Nanukput. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Lucy Kuptana compte visiter les quatre communautés de la circonscription.

« Il faut parcourir 600 ou 700 kilomètres en avion et dépenser des milliers de dollars pour faire campagne », affirme-t-elle.

Elle estime que les priorités du prochain gouvernement devraient être le logement, le coût de la vie et les changements climatiques. « Il y a eu beaucoup de négligence au cours des dernières années et on dirait que personne ne reconnaît la situation difficile dans laquelle [on] se trouve », ajoute-t-elle.

Vince Teddy, de son côté, a travaillé dans le bureau de circonscription de Nunakput sous le député sortant, Jackie Jacobson. « Je sais quels sont les enjeux dans Nunakput », dit-il.

Vince Teddy est candidat aux élections dans la circonscription de Nunakput. S’il est élu, il promet de se pencher sur le coût de la vie, le logement, la santé et les relations avec les Premières Nations. (Radio-Canada/Julie Plourde)

S’il est élu, il promet de se pencher sur le coût de la vie, le logement, la santé et les relations avec les Premières Nations.

« Tu vas acheter un pain ou payer pour un litre d’essence et tu vois [la hausse du coût de la vie]. Mais on ne peut pas y arriver seuls. On a besoin de travailler avec le gouvernement fédéral, avec les Inuvialuit et les autres organisations autochtones », ajoute-t-il.

Le gaz naturel, l’avenir de la région

Jackie Jacobson, le député sortant, estime que la prochaine assemblée aura du pain sur la planche. Les résidents de Nunakput font face à des coûts très élevés pour les denrées et l’essence, une hausse des prix qu’il attribue à la taxe sur le carbone imposée par le gouvernement fédéral.

Le député sortant de la circonscription de Nunakput, Jackie Jacobson, tire sa révérence après 12 ans en politique territoriale pour s’occuper de sa famille. « J’ai sacrifié [du temps] avec mes quatre plus vieux enfants. J’ai un garçon de 10 ans qui a besoin de moi. Je devais rentrer à la maison », dit-il. (Radio-Canada/Julie Plourde)

« Ce n’est pas assez pour les communautés. À l’épicerie, il faut vraiment choisir soigneusement ce qu’on achète […] L’aide qu’on reçoit n’est pas suffisante, tout simplement », dit Jackie Jacobson.

Bien qu’il estime que le gouvernement territorial doit s’attaquer aux changements climatiques, il devrait aussi trouver des façons d’exploiter les ressources naturelles de la région, selon lui. « On est riche en ressources, mais on est un territoire pauvre », dit-il.

Un projet qui s’est mis en branle il y a quelques semaines fera justement renaître le secteur de l’exploitation des ressources naturelles dans la région, tout en réduisant l’utilisation du diésel pour le chauffage et l’électricité.

Un puits de gaz naturel, découvert en 2022 près de Tuktoyaktuk avant d’être abandonné a été racheté par les Inuvialuit. Le projet d’exploitation du puits M-18 comprend la construction d’une route de quatre kilomètres et d’une usine à gaz qui permettra de convertir le gaz naturel en gaz liquéfié et en diésel synthétique.

Une route est en construction pour relier l’autoroute entre Inuvik et Tuktoyaktuk au puits de gaz naturel M-18. Ce puits contient assez de gaz naturel pour alimenter la région pendant au moins 75 ans. Il sera géré par le Projet de sécurité énergétique des Inuvialuit, une filiale de la Société régionale inuvialuit. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Le projet devrait être complété en 2025 et fournira en gaz naturel non seulement Tuktoyaktuk, mais aussi Inuvik. Il deviendra une alternative au transport du diésel par camion le long de la route Dempster, un trajet de plus d’un millier de kilomètres.

« C’est un gros projet » , dit Ryan Yakeleya. « On n’aura plus à faire venir du combustible du sud jusqu’ici, ce qui coûte très cher pour chauffer nos maisons. Quand ce sera en activité, ce sera très très abordable pour la communauté et les résidents. »

Réduire le coût de la vie à Inuvik

À environ 150 kilomètres au sud, dans la municipalité d’Inuvik, les défis sont similaires. Coût de la vie, logement, environnement : la liste d’enjeux est longue, note le maire Clarence Wood.

Cinq candidats sont dans la course pour pourvoir les deux sièges d’Inuvik, le plus grand centre administratif de l’Arctique de l’Ouest : Inuvik Boot Lake et Inuvik Twin Lakes.

Pour le maire d’Inuvik, une façon d’aider à réduire le coût de la vie serait de compléter la route de la vallée du Mackenzie.

Le maire d’Inuvik, Clarence Wood, espère que les deux députés qui seront élus dans les circonscriptions d’Inuvik Boot Lake et Inuvik Twin Lakes se mobiliseront pour demander à Ottawa qu’il s’occupe davantage du Nord. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Cette route, lorsque terminée, reliera le sud du territoire à la côte de l’Arctique. Pour le moment, les résidents d’Inuvik peuvent rejoindre le réseau routier national en passant par le Yukon, mais ils doivent traverser deux cours d’eau, le fleuve Mackenzie et la rivière Peel, en utilisant les services d’un traversier en été et une route de glace en hiver.

Avec le réchauffement climatique, la viabilité des routes de glace en hiver est menacée et le ravitaillement par barge vers les communautés côtières est rendu difficile en raison des niveaux d’eau trop bas.

« Le traversier vient de cesser ses activités, ce qui est très tard dans l’année. La route ne rouvrira pas avant la mi-décembre. Alors on a un mois et demi, peut-être deux mois sans accès routier. Tout devra arriver par avion, ce qui fera grimper les prix », dit Clarence Wood.

Il souhaite que les deux candidats qui seront élus le 14 novembre trouvent des moyens de réduire le coût de la vie à Inuvik. « On a définitivement besoin d’une baisse des prix », dit le maire.

Rue commerçante à Inuvik (Radio-Canada/Julie Plourde)

S’attaquer au coût de la vie grâce à la sécurité alimentaire

À Inuvik, la Société régionale Inuvialuit a pris elle-même en main le dossier du coût élevé des denrées. En 2021, une usine de transformation et de distribution des aliments traditionnels a vu le jour afin de combattre l’insécurité alimentaire et le coût élevé des denrées, tout en créant de l’emploi.

Jusqu’à ce jour, plus de 60 000 livres de poisson, de gibier et de petits fruits ont été transformés et envoyés dans les six communautés de la région désignée des Inuvialuit, sans frais.

Brian Wade est le directeur de l’Organisation de développement économique communautaire Inuvialuit (ICEDO), derrière le projet d’usine de transformation et distribution des aliments traditionnels. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Dans les communautés, un appel est lancé aux chasseurs et cueilleurs afin qu’ils fournissent les aliments et pour lesquels ils reçoivent une contribution financière.

Pour le directeur de l’Organisation de développement économique communautaire Inuvialuit, Brian Wade, ce programme démontre qu’il y a des façons de s’attaquer au coût de la vie tout en créant de l’emploi.

« J’aime penser que ça permet de réduire l’insécurité alimentaire dans notre région, mais aussi de faire prendre conscience de l’abondance des ressources naturelles que nous avons, que nous pouvons nous autosuffire et être un peu moins dépendants du Sud. »,

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Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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