Protection de l’enfance : victoire totale pour les Autochtones à la Cour suprême

Des dizaines de communautés ont déjà annoncé leur intention d’aller de l’avant dans la gestion de la protection de l’enfance, et 11 d’entre elles ont déjà écrit leur propre loi. (Radio-Canada)

La Cour suprême rend une décision unanime et juge constitutionnelle la loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuit et des Métis, contestée par Québec. 

Elle a rejeté l’appel du Québec et a accueilli celui du Canada. Elle juge donc constitutionnelle la loi fédérale affirmant le droit des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale en matière de services à l’enfance et à la famille.

La décision était très attendue. Elle va permettre aux communautés autochtones de continuer d’aller de l’avant dans la gestion et l’administration de la protection de l’enfance.

La Cour suprême devait statuer à savoir si cette loi est ultra vires de la compétence du Parlement du Canada en vertu de la Constitution, c’est-à-dire dépasse-t-elle la sphère législative qui est la sienne?  

La réponse est catégorique : non.

Saisie de la même question, notre Cour est d’avis que la Loi est dans son ensemble valide sur le plan constitutionnel.

Décision de la Cour suprême

Dans sa conclusion, les juges indiquent que, « développée de concert avec les peuples autochtones, la Loi représente un progrès significatif sur le plan de la réconciliation. Elle s’inscrit dans la foulée de la mise en œuvre dans le Parlement de la DNUDPA. Elle répond en outre à l’appel à l’action no 4 de la Commission de vérité et réconciliation, qui demande au gouvernement fédéral d’établir des normes nationales et de confirmer le rôle des gouvernements autochtones dans le domaine des services à l’enfance et à la famille ».

« Elle aménage un espace à l’intérieur duquel les groupes, les collectivités et les peuples autochtones peuvent exercer leur compétence à l’égard du soin de leurs enfants. La reconnaissance de cette compétence invite les collectivités autochtones à collaborer avec la Couronne afin de concilier les règles de droit autochtones, nationales et internationales en vue de la protection du bien-être des enfants, des jeunes et des familles autochtones », ajoute le plus haut tribunal du pays.

Contestation de Québec

Entrée en vigueur il y a quatre ans, la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuit et des Métis a été rapidement contestée par Québec.

Le gouvernement Legault avait demandé que la Cour d’appel se penche sur la constitutionnalité de la loi fédérale qui vise à céder le contrôle de la protection de l’enfance aux communautés autochtones.

Il y a deux ans presque jour pour jour, la Cour d’appel du Québec avait statué que la loi était constitutionnelle : C92 relevait du fédéral et le droit des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale était un droit protégé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Néanmoins, la Cour d’appel avait aussi jugé inconstitutionnels l’article 21 qui donne aux lois autochtones force de loi fédérale, et le 22(3) qui prévoit que cette loi a prépondérance sur les lois provinciales.

Insatisfaits, autant Québec que le Canada ont donc décidé de porter cette décision devant la Cour suprême.

Cette dernière vient donc de juger que la loi relève bien de la compétence législative du Parlement énoncé au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 sur les « Indiens et les terres réservées pour les Indiens ».

Dans sa décision, elle rappelle néanmoins qu’« il va sans dire que le Parlement ne peut, par simple adoption d’une loi, amender la Constitution, y compris les droits protégés par l’art.35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ou le partage des compétences établi par la Loi constitutionnelle de 1867. »

Cependant, elle précise que « la compétence du Parlement fédéral en vertu du par. 91(24) de la Loi constitutionnelle représente une assise sûre pour adopter une loi fédérale comportant de telles affirmations et imposant de telles obligations à Sa Majesté, tout comme elle constitue une assise solide pour imposer des normes nationales en matière de services à l’enfance et à la famille à l’égard des enfants autochtones ».

Contrairement à ce que plaide le procureur général du Québec, l’«architecture constitutionnelle» canadienne n’en est nullement ébranlée.

Extrait de la décision de la Cour suprême.

Des communautés et leurs lois

La loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuit et des Métis a pour objet de protéger le bien-être des enfants et des familles autochtones en instaurant un régime uniforme de protection de leur bien-être « par l’affirmation de la compétence législative, par des normes nationales et par des mesures concrètes de mise en œuvre ».

Elle doit notamment prendre en compte l’intérêt de l’enfant et la continuité culturelle, afin d’assurer le bien-être des enfants autochtones en favorisant des services culturellement adaptés afin de remédier à leur surreprésentation dans les réseaux provinciaux de la protection de l’enfance.

Selon Ottawa, au Canada, 53,8 % des enfants en famille d’accueil sont autochtones, malgré le fait que les enfants autochtones représentent seulement 7,7 % de la population d’enfants au pays, selon le recensement de 2021.

Les résultats de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 indiquent que 38 % des enfants autochtones au Canada vivent dans la pauvreté, comparativement à un taux de 7 % chez les enfants non autochtones.

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuit et des Métis, une cinquantaine de groupes ou de communautés, dont 9 au Québec, ont fait part de leur intention d’exercer leur compétence en matière de services à l’enfance et à la famille.

De plus, 38 corps dirigeants autochtones ont déposé une demande d’accord de coordination tripartite. Parmi ceux-ci, 11 ont adopté leurs propres lois. Quatre l’ont fait sans avoir conclu un accord de coordination, dont le Conseil des Atikamekw d’Opitciwan.

La liste complète de ces corps dirigeants autochtones est disponible en ligne sur le site du gouvernement du Canada. 

La Cour suprême indique, dans sa décision, que la collaboration entre les peuples autochtones et les instances gouvernementales pour élaborer cette loi, « met en lumière l’engagement ferme du Parlement d’établir une nouvelle structure législative pour la réconciliation ».

Selon la Cour suprême, les corps dirigeants autochtones et le gouvernement du Canada travailleront ainsi de concert en vue notamment de remédier aux torts du passé et d’instaurer une assise solide pour le futur dans les relations entre nations.

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Marie-Laure Josselin, Radio-Canada

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