Un rapport note des lacunes importantes dans les données sur la pauvreté au Nunavut

Un rapport paru lundi note des lacunes importantes dans les données liées à la pauvreté au Nunavut. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Le Nunavut se classe parmi les premiers au Canada en matière de pauvreté de sa population. Pourtant, le manque de données de base et de définitions claires en la matière empêche le territoire de cerner l’ampleur des besoins, conclut un rapport de l’Association des femmes inuit du Nunavut Amautiit et de la coalition de lutte contre la pauvreté Campagne 2000.

Leur rapport (en anglais), rendu public lundi, prend la forme d’un bulletin de rendement qui vise surtout à donner un aperçu de la pauvreté au Nunavut et des lacunes liées aux données sur le sujet.

«Tout le monde sait qu’il existe de la pauvreté [au Nunavut], mais tout le monde a une perception différente de ce qu’elle est», explique la vice-présidente de l’Association des femmes inuit du Nunavut Amautiit, Tara Tootoo Fotheringham. «Nous voulions être en mesure de définir réellement ce qui existe et quel est l’outil de mesure de la pauvreté.»

Pour mener cette analyse, les deux organismes se sont appuyés sur les données existantes en matière de pauvreté au Nunavut et sur les témoignages recueillis lors de trois rencontres communautaires organisées à Iqaluit, en février et en mars 2023.

Manque de données précises

Parmi les principales lacunes soulevées, le rapport évoque l’emploi de multiples définitions pour décrire la pauvreté au Nunavut, le manque de statistiques comparatives par communauté et l’absence de données par catégories, comme le genre, l’âge et l’ethnicité.

Nous étions choquées. Nous pensions qu’il y aurait de nombreuses données disponibles pour créer ce bulletin. Pourtant [Statistique] Canada est à peu près la seule à les collecter.

– Tara Tootoo Fotheringham, v.-p., Association des femmes inuit du Nunavut Amautiit

Selon le recensement de 2021, 35,8 % des Nunavummiut de moins de 18 ans vivent sous le seuil de la pauvreté, ce qui représente près de 5000 personnes. La moyenne nationale se situe à 15,6 %.

Chez les Nunavummiut de moins de 6 ans, cette proportion atteint les 43,2 %, tandis que la moyenne canadienne est de 16,1 %.

La moyenne nationale se situe à 15,6 %. (Carte : Radio-Canada/Martin Bruyère)
(Source : Statistique Canada)

Orienter la prise de décisions

La députée territoriale de la circonscription d’Iqaluit-Sinaa, Janet Pitsiulaaq Brewster, souligne l’importance de pouvoir compter sur des données précises pour orienter les décisions et l’octroi de financement.

«Il est d’autant plus difficile de résoudre des problèmes si nous ne disposons pas de données suffisantes pour garantir que davantage de fonds et de programmes soient consacrés à leur résolution», dit-elle.

La députée a plusieurs fois soulevé en Chambre l’enjeu du manque de données. Un problème qui concerne plusieurs secteurs, dont la protection de l’enfance.

«Je suis inquiète, car j’ai l’impression que [le gouvernement du Nunavut] n’assume pas son entière responsabilité», poursuit Janet Pitsiulaaq Brewster.

Janet Pitsiulaaq Brewster est la députée territoriale de la circonscription Iqaluit-Sinaa. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Limites des données et des programmes fédéraux

Le rapport cerne également certaines lacunes du côté des données et des programmes relevant du gouvernement fédéral.

Entre autres, Tara Tootoo Fotheringham reconnaît que même les données de Statistique Canada sont imparfaites.

En 2021, la collecte des données sur le terrain avait été un défi, puisque Statistique Canada avait dû composer avec une équipe d’employés près de quatre fois plus petite que l’objectif qu’elle s’était fixé et un manque de recenseurs capables de parler l’inuktitut.

Un participant interrogé dans le cadre du rapport a d’ailleurs affirmé ne pas avoir confiance en ces données : «Vous pouvez regarder du côté de Statistique Canada, mais les chiffres ne sont pas du tout fiables», dit-il.

«Nous ne pouvons pas dire combien d’aînés vivent dans la pauvreté», mentionne-t-il, à titre d’exemple.

Statistique Canada s’est heurtée a plusieurs défis dans la collecte de données au Nunavut, notamment en raison du manque de recenseurs en mesure de parler l’inuktitut. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Par ailleurs, le rapport souligne les limites du programme de subvention Nutrition Nord Canada. Ce dernier est censé faciliter l’accès aux aliments sains dans les communautés nordiques et réduire l’insécurité alimentaire, principalement à travers une subvention versée directement aux détaillants pour couvrir les coûts de transport.

La transparence et l’efficacité de ce programme, depuis son lancement en 2011, ont toutefois été remises en question dans le passé. Certains résidents craignent notamment que les détaillants gonflent leurs prix au-delà de l’inflation.

«Il y a une grande différence de subventions selon le lieu de résidence. Alors, je pense que Nutrition Nord doit approfondir ses recherches liées aux véritables coûts d’acheminement et au niveau des subventions octroyées», soutient Tara Tootoo Fotheringham.

Le programme fédéral Nutrition Nord est censé permettre de réduire le prix des aliments nutritifs périssables expédiés par avion, comme la farine. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Pistes d’amélioration

Le rapport formule plusieurs recommandations, dont l’amélioration du programme Nutrition Nord, l’octroi d’investissements préventifs et la création de programmes de petits déjeuners dans toutes les écoles du Nunavut.

Parmi les prochaines étapes, Tara Tootoo Fotheringham souhaiterait parvenir à mesurer l’impact des programmes de coupons, qui sont offerts par des organisations inuit à leurs bénéficiaires, sur la réduction de la pauvreté au Nunavut.

Elle espère ultimement que le rapport mènera à de futures discussions avec les différents paliers de gouvernement et avec des associations inuit.

«Chaque fois qu’un groupe ou une organisation travaille sur un rapport comme celui-ci, cela donne l’occasion à des gens comme moi de pouvoir […] utiliser les informations recueillies comme outils pour aller de l’avant et, espérons-le, engendrer le changement», affirme pour sa part la députée Janet Pitsiulaaq Brewster.

La ministre territoriale responsable de la réduction de la pauvreté, Margaret Nakashuk, n’était pas disponible pour une entrevue avant l’échéance.

Le ministère des Affaires du Nord n’a, quant à lui, pas été en mesure de répondre à notre demande de commentaire avant l’heure de tombée.

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Matisse Harvey, Radio-Canada

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