Nord canadien : deux députées demandent de revoir le programme Nutrition Nord

L’objectif principal de Nutrition Nord Canada est de lutter contre l’insécurité alimentaire dans le Nord où les prix des aliments peuvent constituer un obstacle à leur accessibilité (archives). (Claudiane Samson/Radio-Canada)
Deux élues du Nord canadien, Lori Idlout et Niki Ashton du Nouveau Parti démocratique, demandent au gouvernement libéral fédéral de revoir des programmes regroupés dans Nutrition Nord afin de mieux subvenir aux besoins des communautés autochtones éloignées en cette période d’inflation galopante.

Lors d’une conférence de presse à Ottawa mercredi, elles ont rappelé que les produits alimentaires achetés en épicerie peuvent coûter plus de quatre fois plus cher au Nunavut, par exemple, que dans les supermarchés du sud du pays. 

Selon elles, le gouvernement fédéral devrait améliorer les subventions pour diminuer ces prix élevés dans le Nord, mais aussi pour renforcer l’aide aux chasseurs et aux trappeurs qui fournissent une part importante des denrées alimentaires aux communautés au courant de l’année.

Nutrition Nord, administré par Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, possède deux grands volets pour rendre la nourriture plus abordable aux populations nordiques. 

Le premier consiste en une subvention pour l’achat de nourriture ou de biens essentiels comme le savon et les couches. Ces contributions vont aux commerces de détail, notamment, qui ensuite déduisent une portion du prix demandé aux consommateurs sur leur facture. La subvention est censée compenser les coûts élevés reliés au transport et au carburant pour l’acheminement des biens jusque dans les régions nordiques. 

L’autre volet consiste en la Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs. Cela les aide à approvisionner les communautés en nourriture provenant des terres et à réduire la dépendance à l’égard des aliments achetés en magasin. 

Or, selon Lori Idlout, députée du Nunavut aux Communes, il n’est pas clair que de grands détaillants tels que NorthMart, présent dans le Grand Nord, transfèrent l’intégralité des contributions gouvernementales aux consommateurs comme le prévoit le programme, ce qui sape l’effet souhaité auprès de la population, soit de réduire substantiellement la facture d’épicerie. Ce problème avait déjà été signalé en 2014 par le vérificateur général du Canada.

Il y a donc un manque de suivi et d’évaluation de la part du gouvernement fédéral, soutient-elle. « Selon les chiffres qui nous ont été fournis, le dernier audit de North West Company [qui possède la chaîne NorthMart, NDLR] remonte à 2019, et cet audit portait sur la période de 2015 à 2017. Il doit donc y avoir un meilleur moyen de s’assurer que NorthMart soit tenue responsable de la façon dont elle administre le programme au nom du gouvernement du Canada. »

La députée néo-démocrate de la circonscription du Nunavut, Lori Idlout, aux Communes (archives). (Justin Tang/La Presse canadienne)

De plus, les chasseurs et les trappeurs de sa région lui disent qu’ils ne connaissent pas la Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs ou ne savent pas comment y avoir accès. Il y aurait donc un manque de visibilité du programme, selon elle.

Pourtant, « une seule balle peut fournir de 200 à 300 livres de viande », d’après les chasseurs, et ainsi alimenter plusieurs familles, relate Mme Idlout.

« Ce que j’entends, c’est que Nutrition Nord ne fonctionne pas […] Il y a certainement un écart entre ce que dit le gouvernement fédéral et ce qu’entendent les communautés », dit Mme Idlout.

« Si les chasseurs et trappeurs connaissaient le programme, ils y auraient adhéré depuis longtemps », poursuit-elle, ajoutant qu’il vaut mieux à son avis soutenir les associations de chasseurs et de trappeurs dans les communautés plutôt que les grands détaillants à profit. 

C’est sans compter que le transport de denrées fraîches par avion est souvent interrompu durant l’année en raison de pannes ou du mauvais temps. Cela se traduit par « des tablettes vides » dans les épiceries, ce qui accentue la problématique d’insécurité alimentaire dans le Nord.

« Toutes les communautés du Nunavut ont des associations de chasseurs et de trappeurs qui peuvent fournir cette nourriture traditionnelle aux familles qui n’ont pas de chasseurs dans leur famille. Ce sont des services bien connus qui sont offerts par les associations de chasseurs et de trappeurs dans chaque communauté. C’est pourquoi il est si important de mieux les soutenir par le biais de ce programme. »

Par ailleurs, Lori Idlout et Niki Ashton ont aussi rappelé l’idée promue par leur parti d’offrir un congé de TPS sur le chauffage domestique. Plusieurs communautés dépendent encore du diesel, qui est très coûteux, pour leurs besoins énergétiques. Il faut aussi que le gouvernement contribue à accélérer la transition vers d’autres sources d’énergie, insistent les deux élues.

Un programme critiqué, mais aussi revu

Le programme Nutrition Nord a fait l’objet de critiques ces dernières années, notamment sur le fait qu’il était restreint à seulement quelques produits. La liste d’articles admissibles aux subventions a par la suite été allongée. Le programme a aussi été étendu à des communautés qui en étaient exclues à l’origine.

À l’été 2022, le gouvernement fédéral a annoncé une bonification du programme

L’investissement comprend 36 millions de dollars supplémentaires sur deux ans pour la Subvention de soutien aux chasseurs-cueilleurs et 60,9 millions sur deux ans pour les programmes alimentaires des communautés, afin de soutenir diverses activités de partage des aliments.

Un montant supplémentaire de 1,5 million sur deux ans est aussi accordé à la subvention de recherche sur la sécurité alimentaire de Nutrition Nord Canada.

Les subventions accrues du programme qui avaient été mises en place au début de la pandémie sont également maintenues avec un investissement de 43 millions de dollars.

Dans un courriel, un porte-parole de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada indique qu’au cours de sa première année (2020), la Subvention de soutien aux chasseurs-cueilleurs a permis de soutenir « plus de 5500 récolteurs, plus de 150 séances de chasse et plus de 120 initiatives de partage de la nourriture ».

« Le financement est versé directement aux organisations autochtones, de revendication territoriale et d’autonomie gouvernementale bénéficiaires » qui représentent les communautés admissibles, explique Kyle Allen. Pour les Inuit, il s’agit de Nunavut Tunngavik Incorporated, la Société Makivik, le gouvernement du Nunatsiavut et l’Inuvialuit Regional Corporation.

« La Subvention permet également de soutenir la production alimentaire locale, y compris les jardins d’arrière-cour et les infrastructures liées à l’alimentation et aux récoltes », poursuit-il.

M. Allen rappelle aussi qu’avec les modifications apportées au programme cet été, la contribution au détail est maintenant accessible aux banques alimentaires et aux autres organismes de bienfaisance desservant les communautés. « De plus, la contribution au détail s’étend aux producteurs alimentaires locaux pour les aliments produits localement qui sont vendus ou donnés dans une communauté admissible », indique-t-il.

Concernant la vérification de l’administration du programme par les détaillants, Kyle Allen indique que « le gouvernement du Canada s’engage à veiller à ce que la totalité de sa contribution axée sur la vente au détail, accordée dans le cadre du programme de Nutrition Nord Canada à tous ses détaillants et fournisseurs inscrits, soit transférée aux consommateurs. »

Le porte-parole confirme que NorthMart a fait l’objet d’un audit en 2017-2018, et d’un nouvel audit en 2021-2022. Toutefois, « l’audit de 2021-2022 n’est pas encore en ligne ».

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