L’exploitation de puits de gaz et de pétrole dans l’Arctique fait fondre le pergélisol tout autour

Des têtes de puits de gaz naturel dans le gisement d’Utrenneye, sur la péninsule de Gydan, dans le nord de la Russie (Natalia Kolesnikova/AFP/Getty)
L’exploitation pétrolière et gazière dans le Grand Nord et dans l’Arctique s’accélère. Or, une recherche menée en Russie a estimé la quantité de GES produite par un puits en fonction, lorsque la chaleur dégagée par ce puits fait fondre le pergélisol à proximité et contribue à la libération du méthane prisonnier du sol.

L’équipe de l’Institut des sciences et technologies de Skolkovo (Skoltech), en banlieue de Moscou, a construit ses modèles en utilisant des données obtenues dans l’important gisement gazier de Bovanenkovo, ​​dans la péninsule de Yamal, dans le nord de la Russie.

Les grandes entreprises pétrolières et gazières russes comme Gazprom et Novatek y sont actives dans l’exploitation des énergies fossiles, ainsi que la française Total et des sociétés chinoises.

« Nous avons modélisé le dégel autour d’un puits qui opère sur la péninsule de Yamal, mais des processus similaires peuvent se produire ailleurs et avec d’autres types de puits de pétrole et de gaz, car par définition, les hydrocarbures qui remontent des profondeurs transportent de la chaleur », explique dans un communiqué Evgeny Chuvilin, chercheur à Skoltech et auteur principal de l’étude parue dans Geosciences.

« Chaque fois que vous descendez de 100 mètres, la température augmente d’environ 3 degrés Celsius. Avec un forage extrêmement profond, le pétrole peut atteindre 100 degrés ou plus », poursuit-il.

Les gisements de pétrole et de gaz dans la région arctique se trouvent sous une couche de pergélisol de 100 à 500 mètres d’épaisseur. Lorsque des hydrocarbures relativement chauds montent le long du puits foré, cela provoque le dégel du pergélisol environnant, si le puits n’est pas isolé. Cette fonte peut mettre en péril la structure du puits lui-même et les installations en surface, expliquent les chercheurs.

De plus, si le pergélisol est saturé de méthane, ce qui est typique des régions du nord de la Russie, le dégel libère ce méthane emprisonné, un puissant gaz à effet de serre qui pose aussi des risques d’incendie dans les installations pétrolières et gazières, poursuivent les chercheurs.

On sait par ailleurs que la fonte accélérée du pergélisol risque d’endommager nombre d’oléoducs et de gazoducs qui passent dans les régions nordiques, sans compter les dommages causés aux bâtiments des villages et des villes.

Estimation des GES produits par la fonte autour d’un puits

C’est donc dire qu’en plus des hydrocarbures qui produiront des GES en aval lorsqu’ils seront brûlés, les puits contribuent au réchauffement de façon indirecte, en faisant fondre le pergélisol au niveau local.

La recherche montre que l’exploitation d’un puits de gaz naturel pendant 30 ans peut faire fondre le pergélisol environnant dans un rayon de 10 mètres autour du puits, et sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur, libérant jusqu’à 500 000 mètres cubes de méthane dans l’atmosphère.

Il existe des milliers de puits creusés dans l’Arctique, la plupart en fonction, et d’autres sont abandonnés. Des centaines de nouveaux puits sont creusés chaque année.

Dans un courriel, Evgeny Chuvilin explique que les estimations des volumes de GES produits peuvent varier en fonction de la composition du sol et aussi du type de puits.

Le méthane dans le pergélisol peut être à l’état libre ou sous la forme d’hydrate de méthane, un mélange d’eau et de gaz congelé, qui se forme à des températures basses et avec une pression élevée. C’est cet hydrate de méthane qui agit comme une sorte de bombe à GES. 

La fonte libère le méthane emprisonné, et il percole jusqu’à la surface du sol et se diffuse dans l’atmosphère. La concentration d’hydrate de méthane varie selon les régions.

Chaque litre d’hydrate de méthane dégelé libère 170 litres de méthane dans l’atmosphère.

M. Chuvilin précise que ce sont les plus vieux puits qui ne sont pas isolés, de façon générale, et qui contribuent à la fonte du pergélisol. Les nouveaux puits sont munis d’un dispositif isolant, qui permet de préserver le pergélisol autour du puits. « Mais cela coûte cher, ce qui vient augmenter les coûts de production », dit-il.

Les chercheurs soulignent qu’en plus de calculer la contribution des puits au réchauffement climatique, des modèles comme les leurs sont nécessaires pour prévenir les dépressions et les effondrements du sol dans le Nord, ce qui peut entraîner des inondations et mettre en péril les infrastructures.

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