Un projet américain pour surveiller les effets de la fonte du pergélisol dans l’Arctique
Un projet de recherche de 52 millions de dollars qui réunira des climatologues, des experts en politiques publiques et des communautés locales veillera à développer le savoir et le partage d’informations sur la fonte du pergélisol en Alaska et ailleurs dans l’espace circumpolaire et les mesures d’adaptation.
Ce projet, financé par des donateurs privés, dont la milliardaire et philanthrope Mackenzie Scott, doit durer six ans. Il se déploie sous l’égide du Woodwell Climate Research Center, basé au Massachusetts, en collaboration avec l’Université Harvard et l’Alaska Institute for Justice. Les détails ont été rendus publics la semaine dernière.
Des études ont montré que la fonte du pergélisol, qui s’étend sur 30 millions de kilomètres carrés, dont environ la moitié en Arctique, libérerait des quantités immenses de gaz à effet de serre, accélérant ainsi le réchauffement climatique, en plus de menacer nombre d’infrastructures.
Le pergélisol contient le double du carbone présent actuellement dans l’atmosphère et le triple de ce qui a été émis par les activités humaines depuis 1850.
Le portrait de la fonte et de ses conséquences est incomplet à l’heure actuelle : les scientifiques ne savent pas précisément à quelle vitesse le pergélisol continuera de fondre et de libérer son carbone dans l’atmosphère. Le projet servira entre autres à développer les connaissances à ce sujet.
« Les résidents et les scientifiques de l’Arctique observent le dégel du pergélisol depuis des décennies, mais l’ampleur et la coordination de la recherche dans cet espace n’ont pas été suffisantes pour répondre à l’urgence de la menace et entraîner un changement politique significatif », affirme dans un communiqué Susan Natali, la directrice de programme sur l’Arctique au Woodwell Climate Research Center et chargée du projet.
Ce projet permettra « de réduire considérablement les lacunes dans les données sur le pergélisol » pour éclairer les prises de décision au niveau international et « créer des stratégies d’adaptation justes et équitables pour les communautés déjà soumises aux impacts » de la fonte, poursuit-elle.
« Réduire les incertitudes concernant les taux actuels et futurs de dégel du pergélisol et les émissions associées de dioxyde de carbone et de méthane est essentiel pour définir à la fois les objectifs mondiaux et les mesures d’adaptation dans l’Arctique », affirme pour sa part John P. Holdren, codirecteur de l’Arctic Initiative à la Kennedy School de l’Université Harvard et ancien conseiller dans l’administration Obama.
Le projet vise à multiplier les lieux de collecte de données sur la fonte du pergélisol et sur les quantités de GES qui en résultent. Il s’agira donc de raffiner les modèles climatiques avec les informations recueillies sur le terrain.
Les responsables du projet soulignent qu’il est ancré dans les communautés, dont la participation active est une composante clé.
L’environnement bâti
Une grande partie des infrastructures dans l’Arctique sont touchées d’une manière ou d’une autre par la fonte du pergélisol. On peut penser aux fondations des bâtiments, aux habitations, aux usines, aux routes, aux gazoducs et aux oléoducs, qui risquent tous d’être endommagés. S’ajoutent à ces effets l’érosion des berges, les glissements de terrain et les inondations, qui s’accentuent avec la fonte.
La fonte du pergélisol s’accompagne d’autres changements causés par le réchauffement, comme la migration des espèces et la durée des saisons, des phénomènes qui sont accentués dans l’Arctique.
Les responsables du projet veulent ainsi donner plus d’outils aux populations qui subissent de plein fouet les impacts de cette fonte.
« Les communautés de l’Arctique, y compris les Autochtones de l’Alaska, sont déjà face à des décisions impossibles concernant leur milieu de vie » en raison du dégel du pergélisol, affirme Robin Bronen, directeur général de l’Alaska Institute for Justice. « Il est essentiel que nous travaillions en partenariat avec ces communautés pour créer des stratégies d’adaptation et des cadres de relocalisation équitables, basés sur les données » tout en protégeant leurs droits, poursuit-il dans un communiqué.
Le projet viendra intégrer des collaborations locales et internationales en matière de collecte et de partage de données et de stratégies d’adaptation.
Rappelons que la guerre en Ukraine et l’isolement de la Russie sur le plan international entravent la collaboration nécessaire entre chercheurs russes et internationaux sur les enjeux reliés au climat.
En entrevue avec des médias américains, les responsables du projet estiment qu’une collaboration avec les experts russes sera incontournable pour obtenir plus de données et contrer le réchauffement climatique, peu importe la situation géopolitique.