Le changement climatique menace de perturber le transport dans le nord du Canada

Les changements climatiques dans l’Arctique rendent les conditions de la glace moins prévisibles. (Dylan Clark/Courtoisie de James Ford)
Alors que les voyages sur la glace sont bien ancrés dans la culture inuit, les effets des changements climatiques dans l’Arctique en rendent les conditions de plus en plus imprévisibles.

Andrew Arreak affirme que voyager sur la glace, la principale autoroute de l’Arctique canadien, donne accès à la terre et à la nourriture, relie les collectivités et fait partie de l’identité inuit. Le changement climatique rend toutefois les déplacements sur la glace moins prévisibles.

« Je remarque que la glace se forme un peu plus tard chaque année et se détache un peu plus tôt chaque année », a souligné M. Arreak de Pond Inlet, au Nunavut.

M. Arreak est l’un des nombreux Autochtones du Nord à chercher des moyens de s’adapter. Il travaille avec SmartICE, une organisation qui intègre les connaissances traditionnelles inuit à la technologie moderne pour mieux éclairer les décisions sur les déplacements sur la glace dans plusieurs communautés du Nord.

Lorsqu’il est sur la glace, il tire un « qamutiik intelligent », un traîneau inuit muni d’un capteur mesurant l’épaisseur de la glace. Une « bouée intelligente » insérée dans la glace mesure les températures de l’air, de la neige, de la glace et de l’eau.

La technologie SmartICE permet de mesurer l’épaisseur de la glace en utilisant, entre autres, un traîneau inuit muni d’un capteur. (SmartICE)

SmartICE a également commencé à examiner l’imagerie satellite pour produire des cartes des glaces dangereuses dans le cadre d’un projet pilote lancé l’hiver dernier dans les communautés de Pond Inlet et de Gjoa Haven, au Nunavut, et à Nain, l’établissement permanent le plus au nord de Terre-Neuve-et-Labrador.

« Les gens, ici, dans la communauté ont été vraiment excités à ce sujet et ont demandé quand la prochaine carte sera disponible », a souligné M. Arreak.

Partout dans le Nord, les réseaux de transport déjà sous-développés nécessaires à l’accès aux ressources, aux soins médicaux et aux déplacements font face à des menaces croissantes en raison du réchauffement climatique qui s’impose là-bas près de trois fois plus rapidement que la moyenne mondiale.

De nombreuses collectivités et compagnies minières du Nord dépendent des routes d’hiver pour s’approvisionner annuellement en carburant, en matériaux de construction et en d’autres biens trop coûteux à transporter par avion. Les changements climatiques réduisent la durée pendant laquelle ces routes peuvent rester ouvertes.

Des dommages coûteux

Un rapport publié par l’Institut canadien des changements climatiques en juin indique que plus de la moitié des routes d’hiver du Nord pourraient devenir instables au cours des 30 prochaines années. Il prévoit que le coût des dommages aux routes causés par le réchauffement climatique pourrait dépasser 70 millions de dollars par an au Yukon et 50 millions dans les Territoires du Nord-Ouest si des mesures d’adaptation ne sont pas prises.

Le nord du Canada a depuis longtemps un déficit d’infrastructure important par rapport au sud du pays. La dégradation du pergélisol, les glissements de terrain, les inondations et les incendies de forêt, entre autres impacts des changements climatiques, ne font qu’exacerber le problème.

« L’infrastructure dans le Nord a été gravement sous-financée pendant des décennies », a dit l’auteur principal du rapport, Dylan Clark. « C’est ce genre d’écart qui rend, en partie, les communautés du Nord canadien beaucoup plus vulnérables. »

Le rapport examine les mesures d’adaptation, notamment le renforcement des couches de base des routes et des pistes, le refroidissement des remblais, l’excavation du pergélisol, le déplacement des routes et la construction de gravier plutôt que de pistes pavées.

M. Clark a rappelé qu’il y a d’énormes économies de coûts associées aux mesures d’atténuation et d’adaptation au climat.

Plus de ressources et de financement sont clairement nécessaires ici. Nous parlons d’un gros investissement initial, mais c’est en fait l’approche la plus rentable ici que de ne rien faire.Dylan Clark, expert en adaptation aux changements climatiques

La route d’hiver de Tibbitt à Contwoyto est l’une des routes de glace de transport lourd les plus longues du monde. Elle s’étend sur environ 400 kilomètres et dessert trois mines de diamants des Territoires du Nord-Ouest.

« S’il n’y avait pas de route d’hiver, il n’y aurait pas de mines de diamants », a déclaré Barry Henkel, directeur de la route d’hiver.

La glace doit avoir au moins 73 centimètres d’épaisseur avant de pouvoir s’ouvrir et 99 centimètres pour une pleine capacité de charge.

Des coûts aussi à l’adaptation

Une étude de 2021 de l’American Meteorological Society indique que le réchauffement climatique de 2 degrés Celsius pourrait nécessiter des mesures d’adaptation coûteuses. Il faudrait remplacer des traversées de rivières par des ponts structuraux, construire des segments de route dans les zones à problèmes, déplacer des segments sur la glace vers la terre, améliorer la surveillance de la glace et arroser de la glace pour en augmenter l’épaisseur.

Le système d’alerte mis en place au kilomètre 1456 de la route de l’Alaska récolte des informations sur l’humidité, sur la température et sur d’autres facteurs. (Anna Desmarais/CBC)

Les changements climatiques peuvent également nuire aux routes quatre saisons, avec de graves conséquences pour les collectivités du Nord qui n’ont qu’une seule route d’entrée et de sortie.

La mairesse de Whitehorse, Laura Cabbott, a mentionné qu’un épais manteau neigeux a entraîné d’importants glissements de terrain, cette année, ce qui a entraîné la fermeture de routes. La Ville a dû augmenter son budget de déneigement de 450 000 $.

« Nous devons faire nos efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi être capables de nous adapter et d’être résilients », a-t-elle soutenu.

Dépendance au transport aérien

Fabrice Calmels, titulaire de la Chaire de recherche sur le pergélisol et les géosciences à l’Université du Yukon, a participé à plusieurs projets de surveillance de tronçons des routes de l’Alaska et de Dempster vulnérables aux changements climatiques. Des thermosiphons, qui sont des tubes remplis de gaz qui permettent à la chaleur de s’échapper du sol et de garder le pergélisol froid, ont été installés sur une section de la route de l’Alaska à l’extérieur de Beaver Creek.

« Ce sont toutes sortes de problèmes, que nous appelons des géorisques qui ont un impact sur l’autoroute, et il n’y a pas de solution unique », a-t-il indiqué.

La route de l’Alaska est endommagée par la fonte du pergélisol. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Le dégel du pergélisol et les conditions météorologiques extrêmes déforment et fissurent également les pistes. De nombreuses collectivités du Nord dépendent fortement du transport aérien et, dans certains cas, il s’agit du seul mode de transport à longueur d’année.

Les Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement fédéral dépensent 22 millions de dollars pour protéger l’aéroport d’Inuvik contre les changements climatiques et réduire les tassements au sol causés par le dégel du pergélisol. Cela comprend l’élargissement de la piste, la réparation de la surface et l’amélioration du drainage.

Comme plusieurs édifices dans la capitale nunavoise, l’aéroport d’Iqaluit est muni d’un système de thermosiphons, soit des tuyaux qui permettent de refroidir le sous-sol. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Un nouvel aéroport de 300 millions de dollars a ouvert ses portes à Iqaluit en août 2017, avec des améliorations, notamment des réparations importantes en raison du dégel du pergélisol.

Le Nunavut élabore également des propositions pour réparer les graves fissures sur la piste de l’aéroport de Rankin Inlet, a affirmé le sous-ministre adjoint des Transports, John Hawkins.

Un porte-parole de Transports Canada a déclaré que le ministère reconnaît le rôle essentiel que jouent les corridors de transport du Nord et s’efforce d’améliorer la compréhension des risques posés par les changements climatiques.

Avec les informations de La Presse canadienne

Radio-Canada

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