Inquiétudes au sujet des oiseaux marins du nord-ouest de l’Alaska
Des chercheurs américains rapportent que de nombreux oiseaux marins de l’Alaska qui vivent le long du détroit de Béring et de la mer des Tchouktches meurent de faim chaque année depuis six ans. Ils s’inquiètent des conséquences pour les communautés locales qui s’en nourrissent.
Dans un rapport (en anglais) paru cette semaine et qui fait partie du dernier bulletin sur l’Arctique de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), ces chercheurs expliquent qu’un nombre important d’oiseaux de mer, comme des stariques, des fulmars, des macareux, des puffins et des guillemots, meurent chaque année d’inanition, alors que ce genre d’événement arrivait beaucoup moins souvent avant les années 2010.
Ils émettent l’hypothèse que ce sont des changements écosystémiques importants dans cette région boréale et arctique qui en sont à l’origine.
« En 2022, la région du nord du détroit de Béring et du sud de la mer des Tchouktches a connu une mortalité plus élevée que celle attendue chez les oiseaux de mer, pour une sixième année de suite (2017-2022) », peut-on lire dans le rapport.
« Avant 2015, les décès d’oiseaux de mer dans les eaux de l’Alaska étaient rares. Ils se produisaient généralement au milieu de l’hiver, liés à des [épidémies] ou à des températures océaniques supérieures à la moyenne associées [au phénomène cyclique] El Niño-Oscillation australe », poursuivent les scientifiques.
Depuis 2017, les communautés de la région observent chaque année de nombreux oiseaux de mer morts et mourants le long de leurs côtes, notent-ils.
Les oiseaux marins sont des animaux indicateurs de l’état plus large des écosystèmes marins, car ce sont des prédateurs qui trônent au haut de la chaîne alimentaire, se nourrissant de plancton, de crustacés et de poissons. De petits changements dans la chaîne trophique se répercutent ainsi sur ces populations.
« La gamme d’espèces d’oiseaux de mer et de proies impliquées, le moment de ces décès tout au long de l’été et la localisation des événements sur des zones étendues pointent vers des causes environnementales à plusieurs niveaux trophiques. Ces événements de mortalité de la faune sont un problème de santé publique pour les communautés côtières qui dépendent des ressources océaniques pour leur bien-être nutritionnel, culturel et économique. Ils sont également une source de préoccupations concernant l’état de l’océan Arctique lui-même », ajoutent les chercheurs, dirigés par le biologiste Robb Kaler, du U.S. Fish & Wildlife Service, basé à Anchorage.
La grippe aviaire, qui a décimé des populations d’oiseaux d’élevage et sauvages partout dans le monde en 2022, ne semble pas avoir été un facteur de mortalité important pour ces espèces au fil des ans, bien que l’échantillon d’oiseaux retrouvés en Alaska soit restreint, notent les chercheurs qui demeurent prudents sur ce point.
Les scientifiques appellent à plus de travaux pour déterminer les causes exactes de ces décès à répétition. Mais ils croient que les oiseaux sont en difficulté à cause des changements climatiques et de leurs conséquences : réchauffement des eaux et recul de la glace de mer. Cela modifie la disponibilité de la nourriture en différents endroits tout au courant de l’année et peut engendrer une prolifération d’algues toxiques, par exemple, ou encore la multiplication de pathogènes.
« Les oiseaux de mer et leurs œufs sont des aliments importants pour les communautés éloignées de l’Alaska rural. Les résidents et en particulier les peuples autochtones de l’Alaska sont préoccupés par les impacts sur les ressources alimentaires. Les membres des communautés dans la région du nord du détroit Béring et du sud de la mer des Tchouktches sont frustrés par le manque de réponses concernant la cause des événements de mortalité massive d’oiseaux de mer et la possibilité de consommer des œufs et des oiseaux de façon sécuritaire. »
Les scientifiques soulignent que la surveillance de la santé des populations doit passer par une collaboration étroite entre les autorités fédérales et de l’État, les universitaires et les communautés autochtones, afin de documenter ces décès et collecter des échantillons sur une longue période.
Sur une note plus optimiste, le rapport du NOAA fait état de la santé de diverses populations d’oies de l’Arctique, également importantes pour les résidents du Grand Nord, et note que ces populations se portent généralement bien. Les nombres d’individus recensés sont souvent plus élevés que les niveaux historiques.