Dans le Grand Nord canadien, le déversement d’eau polluée est le sujet inévitable d’un sommet sur l’eau
Le déversement historique de rejets toxiques dans les environs du bassin hydrographique de la rivière Athabasca, dans le nord de l’Alberta, a été l’un des sujets incontournables du tout premier Sommet sur l’eau organisé cette semaine par la nation dénée, à Inuvik, aux Territoires du Nord-Ouest.
Le sommet Nagwichoonjik, « grand fleuve » en langue gwich’in, en référence au fleuve Mackenzie, est organisé pour la première fois par la nation dénée, qui représente 29 communautés dénées des T.N.-O.
Les participants, dont des environnementalistes et des intervenants du milieu de la santé, discutent des problèmes communs auxquels font face les communautés qui dépendent du bassin hydrographique de l’océan Arctique, notamment la santé humaine, l’habitat des poissons et la faune.
« Ce sommet est organisé pour [rassembler] tous ceux qui vivent près des réseaux de rivières et qui dépendent de l’eau […] pour leur mode de vie », explique l’aîné et représentant de la Nation métisse des T.N.-O. Earl Evans.
Deux fois la taille de Vancouver
Pour les participants, la tenue d’un sommet sur l’eau quelques jours seulement après la divulgation du déversement de plus de 5,3 millions de litres d’eau polluée d’un bassin de rétention appartenant à la pétrolière Impériale « n’aurait pas pu arriver à un meilleur moment », selon Earl Evans, et démontre l’importance de se rassembler pour tenter de prévenir d’autres incidents du genre.
Le rejet toxique, qui recouvre une superficie représentant deux fois celle de la Ville de Vancouver, s’est écoulé sur les terres avoisinantes de cours d’eau tributaires de la rivière Athabasca, l’une des rivières tributaires du bassin hydrographique du fleuve Mackenzie.
À la suite de la divulgation du déversement, Ottawa a dépêché des inspecteurs sur le site minier Kearl, au nord de Fort McMurray, qui ont conclu que le rejet est nocif pour la faune.
« Les communautés sont touchées, car elles sont toutes dépendantes des mêmes systèmes d’approvisionnement en eau sur lesquels ont lieu ces activités industrielles », dit la directrice générale de l’organisme Keepers of the Water, Jesse Cardinal.
Cet organisme, fondé en 2006, vise à protéger le bassin hydrographique de l’océan Arctique et de tous ceux qui en dépendent pour vivre.
« C’est très important d’être à Inuvik, afin de discuter de la situation actuelle avec ce déversement de rejets de la minière Impériale, mais aussi de toute la question de l’extraction de ressources planifiée dans le Nord », ajoute-t-elle.
Keepers of the Water a informé les participants du Sommet des derniers développements dans le dossier du déversement.
« C’est pour cela que nous sommes ici maintenant », a renchéri Earl Evans. « Pour essayer de mettre ces informations ensemble et trouver un bon plan pour combattre les effets [sur les cours d’eau] que nous observons. »
L’eau, élément sacré
Lors du Sommet, les participants ont fait part de leurs connaissances et de leurs observations touchant l’environnement et les cours d’eau. Pour les Premières Nations, l’eau revêt un caractère sacré.
Alyssa-Maé Laviolette, originaire de Fort Chipewyan, dit que la pollution des cours d’eau et de l’environnement a semé un sentiment de méfiance auprès des membres de sa communauté et qu’ils craignent désormais de consommer de la viande sauvage ou des poissons.
Jesse Cardinal croit que la population se désintéresse de la question de l’eau, car elle la tient pour acquise. « L’eau est le lien qui nous unit tous, qui nous unit à la planète. Les gens doivent rebâtir leur relation avec l’eau et comprendre à quel point c’est précieux. »
La directrice de Keepers of the Water ajoute que les Premières Nations demandent la cogestion des terres et des ressources depuis longtemps. « On sait ce qui est bon pour la terre. Vous devez nous écouter, car nous savons comment en prendre soin. Mais [cette demande] a été complètement ignorée. »
Les participants, comme Alyssa-Maé Laviolette, espèrent que la discussion sur la protection des cours d’eau continuera bien au-delà du Sommet.
« J’espère vraiment que […] les gens mettront en place des mesures pour s’assurer que la communication ne s’arrête pas ici », dit-elle. « Tellement de gens ont été réduits au silence, en particulier les Autochtones. Et je pense que, aujourd’hui plus que jamais, la possibilité de s’exprimer est vraiment importante. »
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