Les arbres morts de l’Arctique stockent de gigantesques quantités de carbone, révèle une étude

Des scientifiques ont cartographié le plus grand embâcle cumulatif connu sur la planète. (Alicia Sendrowski)
Dans l’ensemble de l’Arctique, les arbres abattus passent des forêts à l’océan par les rivières. Ces troncs peuvent s’empiler au gré des méandres du fleuve, ce qui permet de stocker du carbone à long terme.

Une nouvelle étude publiée dans la revue Geophysical Research Letters a cartographié le plus grand dépôt d’arbres connu, couvrant 51 kilomètres carrés du delta du fleuve Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle a également conclu que les troncs stockent environ 3,4 millions de tonnes de carbone.

« Pour mettre les choses en perspective, cela représente environ deux millions et demi d’émissions de voitures en un an », a déclaré Alicia Sendrowski, ingénieure de recherche et directrice de l’étude réalisée en collaboration avec l’Université d’État du Colorado.

Elle explique qu’il s’agit d’une quantité considérable de carbone, mais admet qu’il y a encore peu de connaissance sur ce que représente ce réservoir de carbone. « Nous connaissons bien le carbone sous d’autres formes, comme le carbone organique dissous ou particulaire, mais pas ce que nous appelons le « gros carbone », c’est-à-dire le gros bois. Cela commence toutefois à changer. »

La communauté scientifique sait toutefois depuis des décennies que le bois peut vraiment se déplacer dans l’Arctique en flottant, mais elle commence tout juste à quantifier la quantité de bois et l’importance du stockage de carbone qui risque d’être perdu à cause des changements climatiques.

« Les conditions froides, souvent sèches ou glacées de l’Arctique, permettent aux arbres de se conserver pendant des dizaines de milliers d’années. Un arbre tombé il y a mille ans peut sembler tout aussi frais qu’un arbre tombé l’hiver dernier », a souligné Mme Sendrowski.

Le bois mort caché par la végétation vivante ou enfoui sous terre n’a pas pu être compté avec cette méthode, de sorte que le bois flotté du delta stocke probablement au moins deux fois plus de carbone, révèle l’étude. (Alicia Sendrowski)
Trois semaines de recherche sur le terrain

Pour obtenir un aperçu des embâcles, les chercheurs de l’étude se sont concentrés sur le fleuve Mackenzie, qui dispose d’une imagerie à très haute résolution et qui est connu pour ses importants dépôts de bois. Son delta est le troisième du monde pour la superficie et draine environ 20 % du Canada, note le document.

L’équipe a ainsi étudié environ 13 000 kilomètres carrés de delta dans le cadre de la plus grande tentative de cartographie des dépôts ligneux à ce jour. Les chercheurs ont passé trois semaines sur le terrain à mesurer le bois flotté de la rivière, à cartographier les embâcles et à prélever des échantillons de bois pour les dater au radiocarbone.

Les experts ont ainsi découvert que le dépôt, qui comprend plus de 400 000 caches de bois miniatures, stocke environ 3,4 millions de tonnes de carbone. Le plus grand dépôt, qui couvre environ 20 terrains de football américain, stocke à lui seul 7385 tonnes de carbone.

« Mais comme il y a encore plus de troncs enfouis dans le sol, submergés sous l’eau et cachés sous la végétation par l’imagerie aérienne, la quantité totale de carbone stockée dans le bois du delta pourrait être environ deux fois plus importante », peut-on lire dans l’étude.

Le delta du fleuve Mackenzie est un « point chaud » de stockage du carbone grâce à des sols incroyablement riches en carbone, a indiqué Mme Sendrowski.  « À mesure que des changements se produisent dans le bassin, comme l’exploitation forestière ou la construction de barrages, et que le changement climatique modifie les régimes de précipitations et le réchauffement, la préservation du bois diminuera », a-t-elle conclu.

Avec les informations de l’Union américaine de géophysique

CORRECTION

Une précédente version de cet article indiquait dans le texte que le fleuve Mackenzie est situé au Nunavut, alors qu’il se situe plutôt dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette version du texte a été modifiée.

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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