Le Nunavut souligne 30 ans de revendications territoriales

Le 9 juillet souligne l’entrée en vigueur de la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Le 9 juillet 1993, la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est entrée en vigueur au Parlement. Signée quelques mois plus tôt entre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Ottawa et les Inuit de la région du Nunavut (anciennement les T.N.-O.), l’entente a ouvert la voie à la création du Nunavut, le 1er avril 1999.

Depuis 30 ans, le jour du Nunavut est célébré chaque année le 9 juillet, date qui symbolise une étape charnière vers l’autonomie gouvernementale des Inuit au pays.

L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN) est le fruit d’un important processus de revendications territoriales qui a conféré aux Inuit une autonomie de gestion sur environ 350 000 kilomètres carrés.

Il comprend notamment des dispositions sur la gestion des ressources naturelles et sur les délimitations géographiques de ce qui allait devenir, quelques années plus tard, le territoire du Nunavut, baptisé « Notre terre » en inuktitut.

Conformément au chapitre 23, il garantit aussi aux Inuit une représentation égale au sein de toutes les institutions et agences gouvernementales, quelles que soient les fluctuations de la population.

L’un des visages de ce traité est l’ex-politicien Paul Quassa, qui a occupé le rôle de négociateur en chef pour la Fédération Tunngavik du Nunavut, l’organisme représentant à l’époque les Inuit et dont il était aussi le président. « C’est en 1975, lorsque [les discussions] entourant les revendications territoriales ont débuté, que j’ai commencé à m’impliquer », se remémore-t-il.

La vision derrière l’accord? « Permettre aux Inuit de retrouver leur « authenticité » », résume-t-il.

« Avant l’arrivée de gouvernements et des Européens, les Inuit étaient très indépendants », souligne-t-il. « Ils avaient leurs propres lois traditionnelles et ils étaient autosuffisants. »

« Nous voulions nous assurer que les Inuit ne seraient pas laissés en arrière par le Canada », dit-il.

Paul Quassa, le 9 juillet 1993, à Kugluktuk, anciennement connue sous le nom de Coppermine. (Photo d’archives/CBC)

Un accord trop précoce

À l’époque, le député fédéral de la circonscription du Nunavut (anciennement Nunatsiaq), Jack Anawak, a été l’un des rares politiciens inuit à remettre en doute l’ARTN.

« Je me suis prononcé publiquement en tant que député, car je trouvais que c’était trop précoce. »

Jack Anawak jugeait notamment les négociations entre Ottawa et les Inuit inéquitables. « Le gouvernement tenait toutes les cartes en main. Il n’y avait pas de réelles négociations », affirme-t-il.

Il craignait par ailleurs que le nombre d’Inuit susceptibles de décrocher des postes dans la fonction publique du futur territoire du Nunavut soit insuffisant. «  À mon sens, il n’y avait pas assez d’Inuit scolarisés pour décrocher des postes bureaucratiques dans le [futur] gouvernement du Nunavut », soutient l’ex-politicien.

Jack Anawak, ancien député fédéral pour le Nunavut et ancien membre de l’Assemblée législative du Nunavut. (CBC/Dustin Patar)

Jack Anawak déplore d’ailleurs que les exigences de l’ARTN en matière d’embauche d’Inuit dans la fonction publique du Nunavut ne soient toujours pas respectées, plus de 20 ans après la création du territoire.

Au mois de mai, environ cinq ans après que l’organisme territorial Inuit Nunavut Tunngavik (NTI) a entamé des procédures judiciaires à ce sujet, un arbitre a statué que les Plans d’embauche des Inuit (PEI) des gouvernements fédéral et du Nunavut ne respectaient pas les dispositions de l’ARTN.

Aluki Kotierk, présidente de NTI, croit que le non-respect de ces exigences d’embauche a un impact réel sur les communautés du territoire.

« Tant de choses positives se produiraient si nous étions en mesure d’atteindre [cet objectif], dit-elle. Plus d’Inuit seraient capables d’obtenir des services en inuktitut, puisque plus les Inuit sont nombreux au sein de la fonction publique, plus il y a de chances que l’inuktut soit prédominant.»

Le recul de l’inuktut, la langue inuit, est un enjeu qui préoccupe d’ailleurs grandement l’organisme NTI, qui a déposé une poursuite contre le gouvernement du Nunavut en 2021, affirmant que le territoire avait failli à sa responsabilité d’offrir des programmes scolaires en inuktut, discriminant du même coup les Inuit.

« Si j’étais aujourd’hui négociatrice pour un nouvel accord, je serais beaucoup plus explicite sur la nécessité de soutenir notre langue inuit et d’avoir un système d’éducation qui soutient les Inuit et s’assure qu’ils réussissent », ajoute-t-elle.

Appel à une plus grande collaboration

S’il avait à renégocier l’ARTN aujourd’hui, Paul Quassa affirme qu’il n’en changerait aucune ligne. « L’Accord sur les revendications territoriales fonctionne, pourvu qu’il soit mis en œuvre », insiste-t-il.

L’ancien négociateur en chef reconnaît qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour atteindre la vision du départ. « Je crois que les organisations inuit devraient être un plus ferme et s’impliquer davantage », soutient-il.

Paul Quassa voit l’ARTN comme un « document vivant » voué à évoluer au fil des générations. « Si certains aspects doivent être modifiés, alors [les générations futures] devront trouver l’occasion de renégocier avec le gouvernement fédéral », dit-il.

« L’accord, en tant que tel, établit qui nous sommes et d’où nous venons. Il n’est pas juste pour aujourd’hui, il est pour le futur. »

Avec des informations de Pauline Pemik

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Matisse Harvey, Radio-Canada

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