Malgré les menaces russes, maintenir une coopération dans l’Arctique coûte que coûte
TORONTO – « Onde de choc », « catastrophe », « crise inédite », des diplomates de plusieurs nations de l’Arctique réunis mercredi pour la conférence Arctique360 ont exprimé leurs vives inquiétudes quant aux répercussions de la guerre en Ukraine sur la scène mondiale, notamment dans le Grand Nord. Malgré les tensions internationales, ils misent toutefois sur de nouvelles formes de coopérations tout en se passant du géant russe.
« Qui aurait pensé il y a un an que la Russie envahirait l’Ukraine et plongerait le monde dans la stupéfaction », a déclaré en ouverture de la conférence Jessica Shadian, présidente d’Arctic360. Mais nous y voici et cette situation met l’Arctique face à d’importants défis. »
Roy Eriksson, l’ambassadeur de la Finlande au Canada, a illustré durant le panel ces changements dramatiques en expliquant comment son pays a modifié radicalement ses politiques traditionnelles de neutralité. « La gravité des événements nous oblige à demander, avec la Suède, notre adhésion à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et nous sommes ravis que le Canada ait été le premier pays à ratifier notre demande. »
M. Eriksson indique que, malgré « l’agression russe », l’OTAN n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui. « L’alliance occidentale se retrouve soudée à nouveau devant la menace. Nous nous sommes rapprochés et nous renforçons rapidement nos contacts en matière de sécurité et de défense dans l’Arctique. »
Un avis partagé par Jon Elvedal Fredriksen, ambassadeur de la Norvège au Canada qui a décrit les 12 derniers mois comme une « année dramatique pour le monde, pour l’Europe et pour l’Amérique du Nord ». Mais il a toutefois indiqué que de nombreux partenariats entre « amis du Nord » ont été également créés afin de dynamiser des relations fragilisées par la guerre en Ukraine.
« Je crois que nous avons tous démontré que nous sommes désireux de travailler les uns avec les autres et que nous avons beaucoup de thèmes, de problèmes et de défis sur lesquels nous devons travailler dans l’Arctique, indépendamment de ce qui se passe ailleurs », a-t-il dit.
De « dangereuses conséquences » pour l’Arctique
Rappelons que le fonctionnement du Conseil de l’Arctique est au point mort depuis l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. Les pays occidentaux ont gelé en mars 2022 leur coopération avec Moscou, qui préside pourtant l’organisation internationale.
Le Conseil de l’Arctique se veut un forum intergouvernemental de huit États arctiques (Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Suède, Russie) et de six organisations internationales de peuples autochtones à titre de participants permanents. Son rôle est de discuter des questions d’environnement et de développement.
Pour Heidi Kutz, responsable de l’Arctique pour le Canada, Moscou a « délibérément » fait fi des règles élémentaires du Conseil de l’Arctique en violant l’intégrité et la souveraineté territoriale d’un autre pays.
« Ce qui se passe en ce moment est un signal important pour la communauté internationale et les habitants du Grand Nord. Même s’il était devenu évident que l’on ne pouvait plus collaborer avec la Russie, nous avons réactivé les partenariats entre les autres nations nordiques. »
Louis Crishock, haut responsable des États-Unis pour l’Arctique, a estimé de son côté que les actions de la Russie peuvent avoir de dangereuses conséquences dans la région circumpolaire qui devient de plus en plus accessible à mesure de la fonte des glaces. « En tentant d’imposer des frontières par la force, Poutine déchire les lois élémentaires. C’est pourquoi nous ne pouvons l’accepter et nous devons consacrer nos efforts dans notre unité. »
Malgré la crise, le maintien de la collaboration a isolé Moscou dans la région arctique, a ajouté Kenneth Høeg, représentant du gouvernement du Groenland. « Pendant ce temps, nous avons été capables de signer des ententes ou de régler des différends territoriaux dans le respect du droit international. Autant de messages de gouvernance démocratique envoyés à la Russie. »
M. Høeg prend en exemple le récent rapprochement politique et commercial entre le gouvernement du Groenland et le territoire du Nunavut, mais aussi l’accord sur l’île Hans signé avec le Danemark et le Canada. « C’est un moment historique pour l’Arctique.
En juin 2022, les deux pays se sont officiellement entendus pour se partager l’île Hans, située au large du nord-ouest du Groenland, et créer ainsi la première frontière terrestre entre le Canada et l’Europe, la plus grande du monde.
« Cet accord est arrivé à un moment parfait en matière de relation internationale, a rétorqué Hanne Fugl Eskjær, l’ambassadrice du Danemark. « Avec de la patience et surtout en respectant le droit international, on peut arriver à s’entendre et a créé de vraies frontières entre nations. »
La conférence Arctic360, groupe de réflexion dont les dirigeants sont en majorité autochtones, offre chaque année la chance d’entamer des discussions entre les gouvernements, les organisations autochtones et le secteur privé sur le développement dans l’Arctique.
Avec pour thème principal « Accélérer la coopération, l’innovation et les occasions », la quatrième édition réunit délégations et ambassadeurs des pays nordiques ainsi que de hauts responsables canadiens, groenlandais et américains.
La conférence Arctic360 se déroule les 22 et 23 février.
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