Le Japon et la Corée du Sud : les yeux tournés vers l’Arctique

L’ambassadeur de la Corée du Sud et son homologue japonais ont partagé leurs réflexions sur l’Arctique, une région avec un fort potentiel économique, mais assujettie à de nombreux défis environnementaux. (Nick Murray/Radio-Canada)
Longtemps considéré comme une « forteresse infranchissable », l’Arctique est aujourd’hui devenu une région convoitée par de nombreuses nations, notamment le Japon et la Corée du Sud qui voient dans le Grand Nord un fort potentiel de développement économique.

En entrevue pour Regard sur l’Arctique, l’ambassadeur du Japon au Canada, Yamanouchi Kanji, et l’ambassadeur de la Corée du Sud, Lim Woong-soon, ont partagé leurs réflexions sur une région en plein bouleversement.

« L’ordre mondial est en train de se transformer sous nos yeux à cause de la crise ukrainienne, a affirmé Yamanouchi Kanji. Et ce qui inquiète le Japon, c’est que ces changements se font contre le respect des règles démocratiques. »

Le diplomate, rencontré avec son homologue coréen à Toronto durant la conférence Arctic360, prend en exemple le fonctionnement du Conseil de l’Arctique mis à l’arrêt en mars 2022 en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les pays occidentaux ont depuis gelé leur coopération avec Moscou qui préside pourtant l’organisation internationale.

« La Russie a décidé de contourner le droit international et, pour nous, c’est inacceptable », a lancé M. Kanji.

De son côté, l’ambassadeur de la Corée du Sud a indiqué que la paralysie du Conseil de l’Arctique à cause de la guerre tombe à un « très mauvais moment », car le Grand Nord doit faire face à des défis inédits pour la planète, dont en matière de géopolitique et de questions environnementales.

« Autant d’éléments qui poussent la Corée du Sud à se pencher sérieusement sur ce qui se passe dans l’Arctique, parce qu’une escalade de la situation pourrait survenir n’importe quand à partir de ce territoire partagé par des pays nordiques aujourd’hui en opposition », a précisé M. Woong-soon.

Lim Woong-soon est l’ambassadeur de la Corée du Sud au Canada. (Ismaël Houdassine/Regard sur l’Arctique)

Le diplomate sud-coréen estime que son pays sait ce que signifie des « relations géopolitiques compliquées ». Le pays est entouré de grandes puissances comme la Chine et la Russie dont les rapports politiques demeurent parfois contradictoires et fragiles. Ajoutons qu’à l’instar du Japon, la Corée du Sud s’est jointe aux sanctions contre Moscou.

« Il ne faut pas oublier la Corée du Nord et ses menaces nucléaires devenues presque quotidiennes, précise M. Woong-soon. C’est pourquoi nous avons sur notre sol un certain nombre de bases américaines. »

Occasions d’affaires

Bien que le Japon et la Corée du Sud ne soient pas des nations de l’Arctique, les deux pays font partie des membres observateurs au Conseil de l’Arctique au même titre que la Chine, Singapour et l’Inde.

À ce titre, M. Kanji a souligné que le Japon entretient des liens « profonds » avec la plupart des pays nordiques de l’organisation. « Nous avons également des connexions profondes avec les organisations autochtones. La Première Nation des Aïnous est présente dans le nord du Japon, sur l’île d’Hokkaidō. »

Le Japon a été l’un des premiers pays asiatiques à dévoiler un plan spécifique pour le Grand Nord en détaillant son programme en ce qui concerne le commerce et la sécurité, mais aussi sa volonté de mener des recherches scientifiques dans la région.Yamanouchi Kanji, ambassadeur du Japon au Canada

M. Kanji a rappelé que l’Arctique a longtemps été considéré comme une « forteresse infranchissable ». Mais la fonte des glaces due aux changements climatiques vient changer la donne, en particulier pour les ressources potentielles plus accessibles et le trafic maritime, note-t-il.

« C’est en 2012 que le Japon a accueilli le premier cargo de marchandises arrivé d’Europe par le passage du Nord-Est. C’est à ce moment-là que les Japonais ont réalisé que l’Arctique pouvait offrir de nouvelles issues. »

Yamanouchi Kanji est l’ambassadeur du Japon au Canada. (Ismaël Houdassine/Regard sur l’Arctique)

Et les occasions d’affaires sont nombreuses avec le Canada, a dit le diplomate japonais. « Les entreprises japonaises voient dans les batteries une manière de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre. Et nous savons que le Canada possède d’importants gisements en lithium qui est la composante essentielle pour la fabrication de voitures électriques. »

M. Kanji déclare toutefois que le développement de l’Arctique ne doit pas se faire au détriment de l’environnement. « Il y a beaucoup de possibilités, mais il y a aussi de gros défis de protection de la nature et de développement durable. »

L’ambassadeur sud-coréen est du même avis pour ce qui est de l’extraction des minéraux critiques comme le lithium dont son pays a grandement besoin pour son industrie. La Corée du Sud est le deuxième fabricant de semi-conducteurs et de batteries électriques dans le monde.

« Le Canada est devenu un de nos partenaires privilégiés dans le Grand Nord, car cela nous permet de diversifier nos relations commerciales et d’être, par exemple, moins dépendants de la Chine », a conclu M. Woong-soon.

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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