Le secrétaire général de l’OTAN visite l’Arctique canadien avec Justin Trudeau

Le premier ministre Justin Trudeau et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à leur arrivée à Cambridge Bay, au Nunavut (Jason Franson/La Presse canadienne)
Justin Trudeau s’est rendu jeudi au Nunavut aux côtés du secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Jens Stoltenberg.

Le premier ministre est arrivé dans la communauté nordique éloignée pour assister au plus grand exercice d’entraînement de l’Armée canadienne dans l’Arctique.

MM. Trudeau et Stoltenberg ont visité un site de radar militaire à Cambridge Bay, au Nunavut, ce qui marque la première visite d’un chef de l’OTAN dans l’Arctique canadien. Ils ont ensuite observé l’opération Nanook, une opération militaire menée annuellement par les Forces armées canadiennes (FAC).

C’est la première fois que Justin Trudeau assiste à l’opération Nanook, qui a lieu chaque année depuis 2007 et comprend des avions, des navires de guerre ainsi que des centaines de membres des FAC qui s’entraînent dans l’austère environnement arctique.

L’exercice était un moment incontournable des visites traditionnelles de Stephen Harper dans l’Arctique lorsqu’il était premier ministre, période au cours de laquelle le gouvernement conservateur a lancé de nombreuses initiatives visant à renforcer les capacités militaires du pays dans la région.

M. Trudeau a rompu avec cette tradition en 2016 après avoir été élu à la tête du pays, choisissant plutôt de se rendre en Chine, comme son gouvernement commençait à faire basculer les priorités d’Ottawa dans l’Arctique davantage vers des préoccupations non militaires.

« Nous avons vu beaucoup d’investissements dans la sécurité sociétale et environnementale, pourrions-nous dire », a déclaré Whitney Lackenbauer, professeur à l’Université Trent, l’un des plus grands experts canadiens en matière de sécurité dans l’Arctique.

Changement d’orientation

L’accent particulier mis par les libéraux sur les changements climatiques et sur les relations avec les Autochtones dans l’Arctique coïncidait avec la conviction de nombreux pays que tout différend entre divers pays de l’Arctique pouvait être résolu par la diplomatie et la coopération.

Certains responsables militaires canadiens et américains avaient mis en garde contre la complaisance alors que les tensions entre la Chine, la Russie et l’Occident augmentaient et que la hausse rapide des températures rendait l’Arctique plus accessible au trafic maritime et à l’extraction des ressources.

L’accélération rapide de la fonte dans l’Arctique signifie que la région est plus accessible aux alliés, mais aussi aux ennemis.

Or, l’attaque de la Russie contre l’Ukraine a finalement bouleversé ces hypothèses et forcé le gouvernement libéral à reconnaître l’importance de défendre l’Arctique, a déclaré le professeur adjoint à l’Université de Victoria Will Greaves.

« Cette vision vraiment constructive et positive d’un Arctique non conflictuel et coopératif est une victime de l’invasion de l’Ukraine par la Russie », a dit M. Greaves, qui est également coordinateur du Réseau nord-américain et arctique de défense et de sécurité.

« Nous allons maintenant avancer pour une période indéterminée dans un nouveau contexte arctique qui est presque structurellement, beaucoup plus conflictuel, et aura une plus grande possibilité ou potentialité de conflit armé. »

Priorité du gouvernement

La décision de M. Trudeau de participer à l’opération Nanook avec M. Stoltenberg est considérée comme un signal clair que la défense du Nord canadien est désormais une priorité absolue pour son gouvernement.

« Je pense que cela signale définitivement non seulement aux Canadiens, mais aussi à nos alliés, que nous prenons la défense et la sécurité de l’Arctique au sérieux, a affirmé M. Lackenbauer. Et que nous sommes prêts à assumer notre part du fardeau de la défense collective dans l’Arctique et ailleurs. »

Parmi les autres indications d’un changement d’orientation du gouvernement, citons la promesse, attendue depuis longtemps, d’investir des milliards de dollars avec les États-Unis pour moderniser le système d’alerte avancée de l’Amérique du Nord.

Certains experts ont également souligné le fait que le commandant des FAC, le général Wayne Eyre, a récemment accueilli des homologues de cinq autres nations arctiques à Saint-Jean, Terre-Neuve-et-Labrador, la première réunion de ce type depuis qu’un précédent regroupement incluant la Russie a été officieusement suspendu en 2014.

Justin Trudeau et Jens Stoltenberg en compagnie de militaires canadiens (Jason Franson/La Presse canadienne)

La question du partage du fardeau est délicate pour le Canada, qui a toujours fait partie des retardataires parmi les membres de l’OTAN en ce qui concerne les dépenses de défense, une question que M. Stoltenberg soulèvera sans aucun doute lors de sa visite avec M. Trudeau.

Des inquiétudes persistent sur l’état du système actuel, entre autres par rapport à une série d’installations radar datant des années 1980 dans le Grand Nord canadien qui sont trop anciennes pour détecter correctement une attaque russe imminente.

Malgré cela, les détails sur la promesse du gouvernement de mettre à niveau le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord avec les États-Unis sont rares. De plus, il y a une incertitude quant au moment où les travaux sur le système défensif commun commenceront sérieusement et quels en seront les résultats.

Il existe d’autres besoins, a souligné Elinor Sloan, experte en défense et sécurité nord-américaine à l’Université Carleton, notamment des sous-marins modernes pour surveiller et protéger les voies maritimes arctiques du Canada, de nouveaux avions de surveillance maritime et des brise-glaces.

Une priorité des alliés

Les libéraux ont commencé à combler bon nombre de ces lacunes, tout en poursuivant discrètement la plupart des initiatives lancées par les conservateurs de Stephen Harper, mais Mme Sloan a indiqué qu’il faudra des années avant que plusieurs projets ne deviennent réalité en raison du système d’approvisionnement du Canada.

L’experte et d’autres ont néanmoins exprimé leur confiance dans le fait que la sécurité de l’Arctique restera une priorité absolue pour le gouvernement, ne serait-ce que pour la seule raison qu’elle est désormais une priorité absolue pour ses alliés les plus proches.

« Ses alliés et amis au sein de l’OTAN s’intéressent de plus en plus aux politiques qu’ils développent et, dans certains cas, opèrent dans l’Arctique, a déclaré Mme Sloan. Que fait le Canada s’il n’est pas là-haut? Ce n’est donc pas seulement la pression des adversaires, c’est aussi la pression des alliés. »

Alors que l’opération Nanook s’est souvent concentrée sur des scénarios spécifiques, tels que la réponse à un accident d’avion ou à une urgence en mer, le capitaine Jason Rheubottom, porte-parole militaire, a fait savoir que l’objectif de cette année était différent.

« La mission de cette itération a une portée plus large : projeter et maintenir des forces le long du passage du Nord-Ouest du Canada afin de démontrer la présence et l’engagement des FAC dans la région, et d’améliorer la connaissance de tous les domaines des FAC dans l’Arctique. »

La dernière visite de Jens Stoltenberg au Canada remonte à 2019, mais M. Trudeau l’a rencontré au sommet de l’OTAN à Madrid à la fin de juin.

Plus tôt cette semaine, le premier ministre était à Toronto et à Terre-Neuve-et-Labrador en compagnie du chancelier allemand Olaf Scholz, dont la visite visait à renforcer les liens entre les deux pays en matière d’énergie verte.

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