Grand Nord canadien : naître dans les mains d’une sage-femme au Nunavik

De gauche à droite, Leah Qinuajuak et Akinisie Qumaluk au début de leur carrière au centre de naissances de Puvirnituq. (Duncan McCue/Radio-Canada)
Pendant des décennies, les femmes du Nunavik devaient systématiquement voyager vers le sud du Québec pour donner naissance, loin de leur famille et de leur communauté. Du côté de la baie d’Hudson, cette réalité a changé en 1986 lors de l’ouverture de la première clinique de naissance de la région, dans la communauté de Puvirnituq.

Parmi les sages-femmes qui ont contribué à ce changement de culture médicale se trouve Akinisie Qumaluk.

La sage-femme, maintenant à la retraite, a aidé à faire naître 746 enfants au fil de ses 36 ans de carrière à Puvirnituq.

Elle était l’une des premières sages-femmes à s’engager dans la clinique de naissance de sa communauté natale. Elle a appris avec les années les nombreuses techniques nécessaires à l’accouchement, comme celle de tourner un bébé qui n’a pas la tête vers le bas.

« Je parle toujours au bébé à l’intérieur. « Hey! On va tourner ta tête vers le bas. Tu vas devoir m’aider parce que tu ne peux pas naître comme ça »., explique Akinisie Qumaluk.

« Je sais que les bébés peuvent entendre ma voix, ils écoutent », ajoute-t-elle.

Akinisie Qumaluk a aidé 746 bébés à naître à Puvirnituq. (Duncan McCue/Radio-Canada)

La récompense de son travail minutieux était pour elle toujours marquante, celle d’entendre les pleurs des nouveau-nés.

« C’est beau d’accueillir des bébés dans ce monde. « Bienvenue dans notre monde. Tu es en vie, tu as un pouls. C’est bien, continue. » J’adore ces moments », explique la sage-femme.

Des soins sécuritaires et efficaces

Alors que les femmes de Puvirnituq peuvent maintenant rester dans leur communauté pour donner naissance, des mères ont dû voyager durant des décennies vers des hôpitaux du sud de la province.

Le voyage a laissé plusieurs femmes seules, vulnérables et isolées, alors qu’elles étaient soignées par des travailleurs qui ne parlaient pas la même langue.

C’est le cas notamment de Mina Tulugak, qui a dû quitter Puvirnituq dans les années 1970 pour donner naissance. Son expérience du système de santé s’est révélée très négative, notamment en raison de la barrière de la langue.

« J’avais accepté que ce fût la norme. Je n’avais pas d’autres façons de voir les choses », explique-t-elle.

L’arrivée de la clinique au tournant des années 1980 a donc permis de réduire considérablement le stress vécu par les mères.

Les suivis de grosses sont principalement effectués par les sages-femmes, avec la collaboration de toute l’équipe médicale. (Duncan McCue/Radio-Canada)

L’environnement clinique s’est par ailleurs révélé tout aussi sécuritaire que dans le sud de la province, a conclu une étude menée par l’Université métropolitaine de Toronto.

L’auteure de cette étude, la chercheuse et enseignante Vicki Van Wagner, s’est penchée sur la question pour évaluer l’efficacité des soins portés à Puvirnituq.

« Si tu es dans une communauté avec un docteur et des infirmières qui viennent et partent du village, et qu’ils ne parlent pas la même langue, tu te retrouves un peu aliéné face au système de santé », explique la chercheuse.

« D’avoir des sages-femmes qui sont là, qui sont issues de la même culture et avec la même langue, sans aucun doute ça fait une différence », ajoute Vicki Van Wagner.

Depuis l’ouverture de la clinique, plus de 3000 nourrissons sont nés à Puvirnituq, avec un taux de mort infantile de moins de 1 %, soit l’équivalent de la moyenne canadienne.

La clinique de naissance est intégrée au Centre de santé Inuulitsivik, soit l’hôpital qui dessert les villages de la baie d’Hudson, dans l’ouest du Nunavik. (Duncan McCue/Radio-Canada)

Ce succès a mené à l’ouverture de trois autres cliniques dans la région, à Inukjuak, Salluit et Kuujjuaq.

Le manque de main-d’œuvre demeure toutefois un enjeu dans le maintien des services de ces cliniques, qui n’ont d’autres choix que d’engager des travailleurs du sud de la province.

Avec les information de Padraig Moran et de Duncan McCue

Radio-Canada

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