Le conseil d’administration de Victoria Gold démissionne
Au lendemain de l’imposition par la Cour supérieure de la justice de l’Ontario d’un séquestre judiciaire sur les actifs de Victoria Gold, la minière annonce la démission de son conseil d’administration.
Dans une entrevue accordée à CBC, le PDG de Victoria Gold, John McConnell, affirme que la décision du gouvernement a signé la fin de la minière.
Victoria Gold, essentiellement, n’existe plus. Ils nous ont enlevé cette capacité. Mon conseil [d’administration] a démissionné; il ne veut pas être responsable d’un projet qui est sous le contrôle de quelqu’un d’autre.
John McConnell, PDG de Victoria Gold
La nouvelle survient après le déversement dans l’environnement, le 24 juin dernier, de quatre millions de tonnes de minerai, dont la moitié mêlée à du cyanure, sur le site de la mine Eagle.
L’incident, qualifié de catastrophe par le gouvernement territorial et la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, a depuis propulsé le territoire dans un va-et-vient entre le gouvernement et la minière sur les actions à prendre pour tenter de limiter les dégâts.
La semaine dernière, la minière affirmait avoir trouvé 68 poissons morts dans le ruisseau Haggard qui avoisine le site et dans lequel un taux important de cyanure avait été détecté au lendemain de l’accident..
La ministre de la Justice, Tracy-Anne McPhee, a fait valoir que son gouvernement avait perdu confiance dans la gestion de la situation par la mine, le forçant à se tourner vers les tribunaux.
La Première Nation Na-Cho Nyäk Dun a également déposé une requête semblable, le même jour, devant les tribunaux du Yukon. L’audience n’a pas encore été entendue.
John McConnell encore en poste
Le PDG de la minière, pour sa part, affirme ne pas vouloir partir sur-le-champ, insistant sur le fait qu’il souhaite encore offrir son aide.
« Je suis Yukonnais. Ma fille est née ici. Mon épouse a grandi au Yukon. Je veux m’assurer que cette transition vers PricewaterhouseCoopers [le séquestre judiciaire nommé par la Cour] et Parsons inc. [la firme de consultation environnementale retenue] se déroule le plus en douceur possible. Mon équipe et moi les appuierons le plus possible. »
John McConnell admet toutefois qu’il ressent de la colère et de la tristesse en réaction aux récents développements, qu’il qualifie d’inutiles.
« Nos actionnaires ont été anéantis. Je ne crois pas que le gouvernement du Yukon n’a accordé une quelconque considération pour les actionnaires, et ce sera plus difficile dans l’avenir de financer des projets au Yukon. »
Le dirigeant pense pouvoir se remettre de l’expérience, voire entamer d’autres « aventures » dans quelques mois, dit-il : « J’ai déjà fait face à plusieurs obstacles dans ma carrière. »
Victoria Gold accuse plusieurs retards de paiements de factures depuis le déversement. Plus de 43 millions de dollars en privilèges miniers ont été enregistrés par les créanciers sur les concessions minières de l’entreprise, un moyen pour les entreprises de se protéger d’une éventuelle faillite de la minière.
Une poursuite judiciaire d’un créditeur, Ajax Steel Limited, a également été déposée devant les tribunaux du Yukon, soulignant une dette d’environ 56 000 $.
Répercussions économiques encore incertaines
Pedro Antunes, économiste en chef du Conference Board du Canada, a suivi l’évolution du dossier, dont la tournure aura forcément des répercussions économiques notoires.
Le secteur minier représente, selon les données de Statistique Canada, environ 7 % de l’économie, mais il ne faut pas oublier, dit-il, les retombées économiques sur les entreprises qui offrent des services à la mine.
« C’était une des grandes mines du Yukon. […] Elle représente environ 600 emplois, soit 2,5 % de l’emploi direct, mais c’est beaucoup, ça; c’est énorme. Imaginez l’impact économique que ça aurait sur la croissance du PIB, qui est quand même restreinte pour cette année », affirme l’économiste.
Quant à savoir quelles seront les répercussions sur les investissements futurs dans le secteur minier au territoire, cela est difficile à dire, selon cet expert.
« Il est très difficile de savoir si ça aura un impact à court terme ou même à long terme sur les autres plans d’investissement et de développement de mines. On voit déjà qu’il y a certaines réserves, présentement; les gens s’inquiètent. C’est une tragédie environnementale avec ce qui s’est passé. »
Ainsi, M. Antunes souligne que le territoire a raison de dépenser pour les travaux sur le site qui visent à limiter les conséquences environnementales du déversement. Il est toutefois évident, comme le suggère l’économiste, que cet argent provient des contribuables et qu’ainsi, le budget du territoire sera touché.
Le gouvernement du Yukon dit avoir dépensé jusqu’ici environ 400 000 $ de son propre budget pour exécuter certains travaux de rétention et de protection au bas du déversement.
Avec la mise sous séquestre, le territoire explique que les dépenses pourront être récupérées à même la caution de sécurité mise de côté par la minière au moment d’élaborer le projet.