Grand Nord canadien : calme et confusion au lendemain de l’ordre d’évacuation à Yellowknife

Un homme fait le plein d’essence à une station-service de Yellowknife, mercredi, avant de prendre la route vers l’Alberta. Les résidents de la capitale ténoise ont jusqu’à vendredi, midi, pour partir. (Wildinette Paul/Radio-Canada)
Des milliers de résidents de Yellowknife ont pris la route depuis qu’un ordre d’évacuation a été lancé par les autorités, mercredi soir. Celles qui n’ont pas accès à un véhicule attendent, quant à elles, de prendre un vol. Sur le terrain règne un mélange de calme et de confusion.

De son véhicule stationné près de Two Creeks, en Alberta, Allan Gofenko, un employé de CBC North, raconte avoir passé une partie de la nuit sur la route. Il explique qu’il lui a fallu près de 5 heures pour parcourir les 100 premiers kilomètres de Yellowknife vers la résidence de membres de sa famille en Alberta.

À plusieurs reprises durant le trajet, la circulation a été arrêtée en raison des efforts de lutte contre le feu, notamment la construction de barrières, le déplacement de véhicules lourds et l’épandage de produit ignifuge. « À un moment, il y avait sept bombardiers d’eau qui passaient au-dessus de nos têtes », décrit-il.

La seule route qui mène de Yellowknife vers la frontière albertaine passe près de plusieurs brasiers et à travers des lieux déjà ravagés par les flammes. Cette scène apocalyptique est doublée d’une charge émotionnelle difficile, soutient-il.

On passe Hay River, où il y a un autre feu, puis Entrerprise, qui a été complètement rasé… C’est très difficile. Nous serons sous le choc jusqu’à ce qu’on prenne vraiment conscience de la situation.Allan Gofenko, employé de CBC North
Des résidents de Yellowknife quittant mercredi la ville par la route 3, le seul accès qui relie la communauté au reste du territoire. (Pat Kane/Reuters)
Plus de 36 heures pour quitter les lieux

Dans un « monde idéal », Geneviève Charron, une résidente francophone de Yellowknife, espère quant à elle quitter le territoire jeudi après-midi par voie aérienne, car son véhicule n’est pas suffisamment en bon état pour se rendre en Alberta.

Elle explique avoir a été rassurée d’apprendre qu’elle aurait jusqu’à vendredi, à midi, pour plier bagage. « Avoir une journée et demie, ça permet au moins de respirer. Personnellement, ça m’a rassuré de savoir que c’est urgent, mais que ce n’est pas un danger imminent. »

Geneviève Charron affirme ne pas avoir été prise par surprise lorsque le gouvernement territorial a annoncé l’ordre d’évacuation. « On avait de plus en plus de signes que quelque chose allait s’en venir », a-t-elle dit en entrevue mercredi soir. « Depuis ce matin, il y avait de plus en plus de gens qui faisaient le choix de partir. »

Elle s’estime satisfaite, dans l’ensemble, des informations fournies par les autorités à la population. « J’ai eu l’information dont j’ai eu besoin, mais je suis capable d’aller sur des sites gouvernementaux [et] de lire des cartes », a-t-elle indiqué. « Pour moi, ça a fonctionné, mais peut-être que ce n’est pas tout le monde qui a les connaissances ou les ressources pour aller chercher sa propre information. »

Geneviève Charron regrette toutefois de ne pas être en mesure de partager d’articles sur les réseaux sociaux, depuis que Meta a bloqué les nouvelles canadiennes sur Facebook et Instagram.

Geneviève Charron, une francophone de Yellowknife, espère quitter la capitale par voie aérienne puisque son véhicule n’est pas suffisamment en bon état pour faire le voyage jusqu’en Alberta. (Radio-Canada)

« On est dans un moment très particulier où les médias sociaux principaux censurent la presse, donc c’était particulier de ne pas pouvoir accéder facilement [et] de partager de l’information sur Facebook, qui sont vraiment dans nos habitudes », a-t-elle ajouté.

Un autre résident de la capitale ténoise, Jean Caisse, a fait le plein de sa voiture, mercredi, après l’annonce de l’ordre d’évacuation des autorités territoriales. Sa famille quittera le territoire dans deux véhicules, alors qu’il restera à Yellowknife en tant que travailleur essentiel de la Ville au Multiplex.

« Mon fils a 21 ans, il va devoir gérer la situation. Il prend mon véhicule préféré avec lui, il sauve ma voiture, a-t-il dit, en riant. Les gens se sentent anxieux, ils veulent faire le plein d’essence […] J’espère que tout le monde pourra voyager en toute sécurité. »

Jean Caisse a reçu l’alerte d’évacuation sur son téléphone après la conférence de presse des autorités, mercredi soir, pendant une entrevue à Radio-Canada. Sa famille partira de la capitale, mais lui compte rester à Yellowknife pour travailler. (Radio-Canada)
« Beaucoup de confusion, beaucoup d’inconnu »

Rencontrée mercredi soir, Souad Talbi, qui réside à Yellowknife, s’est rendue au Multiplex pour avoir plus de détails sur la suite des choses. « Il y a des informations qui ne sont pas claires pour tout le monde », a-t-elle affirmé.

Elle reproche aux autorités de ne pas communiquer clairement et suffisamment les instructions d’évacuation à la population. « Je ne sais même pas où m’enregistrer. Je vais aller à l’aéroport demain pour voir comment ça va se faire », a-t-elle mentionné.

N’étant pas en mesure de conduire sur de longues distances, Souad Talbi s’attend à quitter le territoire avec sa fille par voie aérienne. Elle dit ressentir « beaucoup de confusion, beaucoup d’inconnu » devant cette situation.

Pour moi, c’est comme une guerre ou je ne sais pas quoi. C’est affreux. Ça fait peur, surtout quand tu n’as pas sur le terrain les informations. Ce n’est pas […] clair c’est quoi le plan d’évacuation exactement.Souad Talbi, résidente de Yellowknife
Souad Talbi, une résidente de Yellowknife, s’est rendue au centre d’évacuation dans l’espoir d’obtenir plus d’information sur les vols qui quitteront la capitale. (Wildinette Paul/Radio-Canada)

Selon la plus récente mise à jour du gouvernement territorial, mercredi à 21 h, le feu de Behchokǫ̀/Yellowknife (ZF015) pourrait atteindre Yellowknife d’ici vendredi.

La situation des routes sur le territoire est consultable ici. Le gouvernement prévient qu’en fonction des conditions, des routes pourraient être fermées sans préavis.

Selon le territoire, les vols d’évacuation devraient commencer à 13 h, heure des Rocheuses, jeudi. Des vols de Yellowknife vers Calgary sont prévus à 13 h, 14 h, 19 h, 20 h et 20 h 30, indique le gouvernement territorial. Les personnes qui souhaitent s’enregistrer pour l’un de ces vols doivent le faire à l’École secondaire Sir John Franklin, d’où ils seront transportés vers l’aéroport.

Le gouvernement territorial demande aux citoyens qui comptent s’enregistrer pour l’un ou l’autre des vols d’évacuation de ne pas se rendre directement à l’aéroport.

Matisse Harvey, Radio-Canada

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